L'Edito du mois - Mars 2018

 

L'Edito de Jean-Denis Errard

Rédacteur en chef de Gestion de Fortune
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Y’a qu’à !

Quel beau « collier » pourrait-on faire avec toutes ces « perles » entendues lors de ce pompeux « grand rendez-vous de l’investissement productif », baptisé sur les réseaux sociaux #MakeOurEconomyGreatAgain (en anglais, ça fait chic) ! Entre autres perles, celle-ci de la député Amélie de Montchalin : « Il y a beaucoup, beaucoup à faire pour former les conseillers bancaires dans l’accompagnement des patrons de PME ».

Du « y’a qu’à » pur jus. On n’a pourtant pas entendu le président de l’AMF rappeler à l’ordre cette parlementaire, comme il l’a fait pour une starlette qui faisait la réclame du bitcoin, lorsqu’elle a lancé : « L’assurance et le Livret A ne rapportent plus rien, les PME si ! ». C’est vrai que potentiellement, pour qui recherche la performance, l’investissement au capital des entreprises peut être intéressant. Mais, ce qu’a twitté le régulateur pouvait être autant adressé à cette jeune député : « C'est très risqué ! On peut perdre toute sa mise. Pas de placement miracle ».

Il existe des solutions pour investir dans les PME : le PEA-PME, les FCPI et FIP, les fonds de private equity d’assurance vie. Commençons par se demander pourquoi celles-ci ne suscitent pas d’engouement ! L’explication, on la connait : les Français recherchent la sécurité, bien plus que la rentabilité. Ils aiment les fonds en euros parce que leur argent est protégé. Pourquoi voulez-vous qu’ils aillent exposer leurs économies à des aléas ? Cela d’autant que la réglementation les encourage à planquer leur argent puisqu’un couple avec deux enfants peut placer sans impôt et sans aucune prise de risque près d’un demi-million d’euros avec tous les livrets.

Cette député ne peut pas dire à la veuve de Carpentras que « si chacun met 0,5 ou 1 % de son épargne dans les PME, pour nous, ça ne change rien, pour les PME ça change tout ». On ne peut pas embarquer tout l’épargne populaire dans l’aventure entrepreneuriale sans expliquer que ce n’est pas pour tout le monde ! Les CGP le savent (il n’est nul besoin de les envoyer à l’école comme elle le suggère), faire acheter des actions c’est s’exposer à un risque de perte en capital qui peut être très important (-16,95 % en 2011, -42,68 % en 2008, -33,75 % en 2002 et -21,97 % en 2001 pour le CAC 40) et à un risque d’illiquidité pour les titres non cotés.

Ce fléchage de l’épargne vers les PME, comme on dit, n’est pas une question de formation, mais de responsabilité et de réglementation. Les nouvelles pesanteurs de MIF2 pour les conseillers financiers, tout comme les exigences prudentielles de Solvabilité 2 pour les gérants, vont exactement dans le sens contraire de l’investissement en fonds propres des entreprises. En outre, les patrons de PME ont-ils vraiment envie d’ouvrir leur capital et de quelle manière ?

Si cette mobilisation est une cause d’intérêt national, l’Etat doit aller au-delà du « y’a qu’à » ! Le stock de 1 700 Md€ en assurance vie et 400 Md€ sur les comptes de dépôts bancaires ainsi que le flux d’épargne annuel de 190 Md€ n’iront pas dans l’économie dite productive si l’Etat ne se mouille pas comme les épargnants et les professionnels qu’on appelle à la rescousse pour sauver le soldat PME !