Indépendance
Tout de même, fallait oser ! Nommer l'ancienne directrice générale du lobby bancaire français à la tête d'une autorité « indépendante » de supervision des marchés financiers, garante de leur intégrité, voilà qui laisse assez circonspect. Bien sûr le symbole de la désignation d’une femme pour superviser un univers très masculin, celui de la finance, est sympathique. Marie-Anne Barbat-Layani, 55 ans, devient la première présidente de l'Autorité des Marchés Financiers, rejoignant dans ce monde de la finance Verena Ross, présidente de l'Autorité européenne des marchés financiers (Esma) et Delphine d'Amarzit aux commandes de la Bourse de Paris depuis l'an dernier. Mais, franchement, que le Chef de l’Etat ait choisi cette ancienne dirigeante du Crédit Agricole (2007-2010) et de la Fédération Bancaire Française, la FBF (2014-2019), cela laisse perplexe… N'est-ce pas là une illustration des « revolving doors à la française », une grande tradition dans notre pays à laquelle aucun gouvernement n’a failli. L'adage « La femme de César ne doit pas être soupçonnée » – qui nous vient de cette fameuse déclaration de César lorsqu’il expliqua pourquoi il avait répudié son épouse Pompéia soupçonnée de relations illicites – n’a pas cours en France, où l’on a toujours privilégié l’entre-soi plutôt que l’irréprochable.
Ne pouvait-on choisir pour cette fonction essentielle, tant la confiance est au coeur de notre système économique, une personnalité au-dessus de tout soupçon de conflit d’intérêt et parfaitement, comme son prédécesseur Robert Ophèle, au fait des enjeux majeurs qui secouent le monde financier ? Comment croire dans nos institutions de régulation, censées assurer la protection de l'intégrité des marchés et des investisseurs ?
Les parlementaires membres de la commission des finances à l’Assemblée nationale et au Sénat ont la charge d’approuver cette cooptation de l’Elysée. Il suffit d’atteindre les 60 % de « oui » pour que la personne désignée soit nommée. Marie-Anne Barbat-Layani a obtenu 64 %, avec un 56 % du côté des députés (35 sur 62), très circonspects sur son indépendance vis-à-vis du monde bancaire et de Bercy dont elle était jusqu’alors secrétaire générale.Ce ne sont là que des « apparences de conflits d’intérêts » selon ses termes rapportées par Les Echos.
L’AMF doit être « une boussole, un point de repère reconnu et crédible », a-t-elle aussi déclaré aux députés. Non ! L’AMF n’est pas un instrument d’orientation, ce doit être une autorité capable de protéger la confiance des épargnants et de combattre les tentations, notamment de l’industrie bancaire et surtout des pouvoirs publics, d’abuser de cette confiance. Thierry Philipponnat, chef économiste de Finance Watch, grande figure du Collège de l’AMF dont il était membre depuis neuf ans, vient de démissionner en signe de protestation.
On verra à l'oeuvre... Indépendance