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Gestion de Fortune n° 339 - Octobre 2022

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L'Edito de Jean-Denis Errard

 Le chêne et le roseau

 L' inflation est un mot qui, depuis 30 ans, n’appartenait plus à notre vocabulaire économique et financier. La jeune génération de conseillers voit surgir aujourd’hui en quelque sorte un inconnu, un intrus dans l’équation patrimoniale. Avec cette question en suspens : pourquoi cette hydre s’est-elle réveillée subitement et brutalement ? Les bafouillements des autorités et des banques centrales me laissent sans voix. Quant à croire qu’en 2023 tout reviendra dans l’ordre, voilà une promesse qui n’engage que ceux qui l’écoutent.

Cette érosion du pouvoir d’achat de l’épargne est un redoutable défi. Elle pour- rait être de l’ordre de 5,5 %, peut-être 6 %, cette année. Or, aucun placement ne peut assurément atteindre cette rentabilité et préserver le capital en euros constants. Les solutions dites sans risque, à commencer par l’assurance vie en euros, deviennent même ruineuses. Elles pourraient s’avérer spoliatrices à la longue si cette folie des prix ne s’apaisait pas. Pour reprendre l’expression de Keynes c’est « l’euthanasie des rentiers » qui se met en marche.

Rabotés par des rendements en berne, mais aussi par des hausses d’impôt rampantes, du fait d’une absence de revalorisation des seuils à hauteur de l’inflation, les épargnants entrent dans un nouveau monde. Vous me direz, on a connu cela dans les années 70 et 80. C’est vrai, mais pour ce que je m’en souvienne, la conjoncture économique n’était pas la même, ni d’ailleurs le niveau des prélèvements (en France, le dernier budget en équilibre remonte à 1974, sous la houlette de Jean-Pierre Fourcade ; ont suivi près de 50 ans de dérives).

On a aujourd’hui une équation à multiples inconnues avec en outre des réces- sions menaçantes, des tensions géopolitiques redoutables, un surendette- ment massif des Etats, des flux migratoires endémiques, des « cataclysmes climatiques dévastateurs » (selon les mots que vient d’employer le chef de l’Etat), des déséquilibres démographiques... (on pourrait continuer cette lita- nie des menaces). Avec toujours le sujet épidémique en toile de fond. Je ne sais quel terme est le plus approprié pour parler d’avenir entre krach, crack (tant certaines prises de position semblent dictées sous l’empire d’hallu- cinogènes), crash, craques (tellement les mensonges des politiques sont effrayants).

La lucidité, la clairvoyance s’imposent plus que jamais pour conseiller le client. Avec à mon avis une stratégie qui tient en un mot : la souplesse. Je crois plus au roseau qu’au chêne. Dit autrement, n’est-il pas préférable de préférer la sécurité, quitte à céder en pouvoir d’achat plutôt que prendre des risques à la recherche d’une préservation de son pouvoir d’achat ?