Ringard
Oui, on se sent ringard, moi le premier, quand on « n’est pas dans le coup » du bitcoin. J’ai beau mobiliser toutes mes cellules grises, je ne comprends pas comment ces crypto peuvent être des actifs monnayables (quand bien même la blockchain est une vraie révolution). Une petite voix me susurre que je laisse filer une opportunité en me fermant ce nouveau champ d’opportunités. Une autre me fait entendre que cet ovni financier non identifié est probablement la énième foutaise inventée par des arnaqueurs. Devant cette agitation bitconienne, on a l’impression de vivre cette scène du fameux film « Les anges gardiens », avec Clavier et Depardieu, où le diable vous tourmente : « tu as vu, sept fois la mise en quelques mois ! Et ce n’est que le début », alors que l’ange vous retient : «prends garde, en 2018 tu aurais perdu quatre fois ta mise ». En quelques heures on peut « gagner » plusieurs décennies de rendement du livret A… mais inversement aussi, l’investissement s’évapore très vite (-25 % en deux jours le 11-12 janvier).
Tout de même, BlackRock, le premier gestionnaire du monde avec 8680 Md$ d’actifs gérés à fin 2020, n’a-t-il pas recruté récemment son « monsieur bitcoin » pour répondre à une demande qui explose ! Son président, Larry Fink, n’y voyait jusqu’alors qu’un « indice de blanchiment de l’argent sale ». Mais de plus en plus d’institutionnels se détournant du géant de la finance pour s’aventurer sur cet Eldorado promis par des sociétés comme Grayscale, l’honorable big boss de Wall Street considère maintenant ces crypto comme « un investissement approprié » et « une source de diversification alternative ». Les autres grands gestionnaires américains s’y mettent, les européens suivront sans doute. Il n’est pas bon de rester sur le quai de la gare quand le train des money makers passe…
C’est « une disruption majeure », me souffle un gérant d’actifs. Ben voyons ! Les subprimes aussi étaient une invention géniale et tout le monde s’y est mis. Mais comme dans les cours d’école où les gosses jouent au jeu des chaises musicales, le dernier à ne pas à avoir refourgué la camelote a perdu lorsque cesse la berceuse, non ? Aux cartes, on appelle cela le jeu du pouilleux. En 2008 les financiers l’avaient baptisé le jeu des subprimes. En 2000 c’était le jeu de la nouvelle économie et des start up du « Nouveau marché ». L’histoire financière est un éternel recommencement. L’économiste Nouriel Roubini a beau dénoncer sans cesse ces « shitcoins » et leur impact, (« crappy environmental disaster ») rien n’y fait, le jeu est tellement amusant… Que nous inventera-t-on en 2030, un lotissement de la lune pour y exploiter des terres rares ?
Me revient en mémoire ce conseil de Warren Buffett : « We simply attempt to be fearful when others are greedy and to be greedy only when others are fearful ». Très ringard, mais je préfère. Et vous ?