Confiance
L'envolée des livrets d’épargne et des dépôts à vue préoccupe Bruno Le Maire qui aimerait bien que cet Himalaya d’épargne, estimé à 165 Md€ par la Banque de France d’ici la fin de l’année, aille stimuler une économie affaiblie par l’épidémie. Le quotidien Le Monde titrait récemment que « l’exécutif veut débloquer l’épargne », son confrère Les Echos, qu’il veut « pousser les Français à dépenser ». Les cellules grises de Bercy sont mobilisées pour que ces milliards que les Français mettent de côté par crainte de la crise ou par empêchement à cause des restrictions sanitaires se convertissent en consommation et en investissement dans les entreprises. Un « pognon de dingue » qui végète, outre les quelque 1 500 milliards des fonds en euros d’assurance vie.
Voilà un serpent de mer qui n’en finit pas d’agiter nos politiciens depuis des années, avec toutes les vaines tentatives que l’on connait (DSK, NSK, Fourgous, Eurocroissance...). Rien n’y fait, on ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif, selon l’expression de Prosper Mérimée. La suppression de l’ISF par un impôt centré sur l’immobilier n’a guère plus convaincu ! Selon le ministre « ces milliards d’épargne doivent s’ajouter aux milliards du plan de relance ». « Doivent » ! Les épargnants auraient-ils un devoir supérieur à celui qui leur est personnel de se protéger du désordre économique actuel, en quelque sorte un devoir de patriotisme patrimonial ?
Investir dans les entreprises ? « En même temps », selon l’expression du Chef de l’Etat, les épargnants répugnent à voir leur argent osciller au gré des spéculations tout autant que les sociétés préfèrent se financer à crédit à des taux quasi nuls plutôt qu’en fonds propres au risque d’une dilution de leur gouvernance ! Le président de l’AMF, Robert Ophèle n’expliquait-il pas le 10 mars dernier au Sénat, que « les marchés d’actions sont par construction d’une très grande volatilité dans les prix et cette volatilité n’a fait qu’augmenter avec cette liquidité très forte qui conduit à des arbitrages massifs ». Les milliards d’euros et dollars des plans de relance sont venus gonfler l’emphase des spéculateurs bien au-delà des réalités économiques.
Quant aux augmentations de capital des entreprises cotées et aux introductions en Bourse, elles sont devenues rarissimes (contrairement aux retraits de la cote) et quant au private equity, les affaires plus intéressantes se discutent dans le secret des alcôves des institutionnels et des family offices. Les FCPI et les FIP à l’intention du grand public ont rarement brillé à l’heure du débouclage. Au Trésor comme au Parlement, certains réclament une fiscalité successorale à deux vitesses sur les assurances vie, entre unités de compte et fonds en euros, afin de forcer la main des plus aisés. De même pour les plans d’épargne retraite. Toujours cette manie bien française de brandir le bazooka fiscal ! Je préfère ce conseil du Gouverneur de la Banque de France adressé à Bercy : « la confiance sera la clé de la reprise »1. Il faut juste savoir s’en donner les moyens !
1. Ouest France 25 février