
Depuis 2023, la fiscalité des locations de courte durée au régime micro-BIC a été chamboulée à plusieurs reprises. Cette première partie propose un retour sur la loi de finances 2024, qui, malgré ses ambiguïtés, a pavé la voie de la loi Le Meur.
Au printemps 2026, les loueurs de courte durée qui déclareront leurs revenus de 2025 au régime micro-BIC connaîtront une hausse de leur imposition en raison de la modification des conditions d’imposition du régime micro-BIC de la location de courte durée. Cette évolution est en réalité le fruit de plus de deux années de réformes, qui ont souvent jeté le flou sur les conditions d’imposition de ce régime. Dans la première partie de cette série, nous revenons sur les événements des années 2023 et 2024, en abordant les prémices de la loi Le Meur, mais également les conséquences de la loi de finances 2024 sur la fiscalité des contribuables lors de cette année.
Pour comprendre les changements du régime micro-BIC en location de courte durée, il faut remonter à l’année 2023. Au début de cette année, la fiscalité des revenus de courte durée au micro-BIC s’articule de la manière suivante : 50% d’abattement et 77 700 € de plafond de recettes pour la location d’un meublé de tourisme non classé, ou 71% d’abattement et 188 700 € de plafond de recettes pour la location d’un meublé de tourisme classé.
Mais dès les premiers mois de cette année, une proposition de loi transpartisane voit le jour : il s’agit de la première mention de la future loi Le Meur.
Micro-twist
Et si les discussions relatives à cette loi n’avancent que peu en 2023, elles contribuent à influencer le débat qui se joue à la fin de cette même année, dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) de l’année 2024. Dans le cadre de ces discussions, mouvementées, plusieurs versions d’une réforme de la fiscalité des meublés de tourisme au régime micro-BIC se succèdent au gré des amendements, et des passages du texte devant l’Assemblée nationale et le Sénat. Et si toutes partagent le même objectif, à savoir rendre ce régime moins avantageux, c’est finalement un coup du sort qui va décider du contenu de la réforme, qui va d’ailleurs prendre un tour inattendu.
En effet, après que ce qui a, a posteriori, été qualifié de « coquille » se soit glissé dans le texte, la rédaction de l’article modifiant le régime micro-BIC a fait l’objet de très nombreuses questions, et ce dès l’entrée en vigueur de la loi de finances 2024 car, s’il ne faisait aucun doute que le but de l’article était de réduire les avantages fiscaux des loueurs de courte durée au régime micro-BIC, l’interprétation qui en a été faite est tout autre.
Si, pour les meublés de tourisme non classés, la nouvelle rédaction du texte était claire (leur taux d’abattement plongeait à 30% et leur plafond de recettes à 15 000 €), il n’en était pas de même pour les meublés de tourisme classés. Pour ces derniers, deux interprétations du texte existaient. La première, certainement plus en accord avec l’intention du législateur, consistait à considérer que les meublés de tourisme classés voyaient leur abattement et leur plafond de recettes également tomber à 30% et 15 000 €. La seconde, à la faveur d’une imprécision du texte, permettait de considérer que rien n’avait changé, et qu’ils conservaient donc leur régime initial (abattement de 71% et plafond de 188 700 €).
Par ailleurs, un nouveau passage prévoyait d’octroyer un abattement de 21% supplémentaire aux loueurs d’un meublé de tourisme classé qui serait situé en dehors d’une zone tendue, à la condition qu’ils n’aient pas réalisé un chiffre d’affaires supérieur à 15 000 € sur l’année civile précédente.
Restriction ou extension ?
En fonction de l’interprétation retenue, avec un abattement initial de 30 ou 71%, ces 21% supplémentaires pouvaient donc donner lieu à un abattement de 51%, ou de 92% pour les meublés de tourisme classés concernés.
Au vu de ces éléments, et de l’esprit de la loi, c’est donc bien l’interprétation moins favorable au contribuable qui semblait devoir être retenue, et de nombreux indices allaient dans ce sens, dont, dès la mi-février 2024, la parution au BOFiP d’un article précisant que « pour limiter les conséquences d’une application rétroactive de la loi de finances 2024 », les contribuables auraient le choix, au moment de déclarer leurs revenus de l’année 2023, entre se voir appliquer l’ancien ou le nouveau régime. Car oui, dernière surprise du texte de la loi de finances 2024, elle prévoyait la rétroactivité de ses dispositions pour les revenus perçus en 2023, qui allaient donc être imposés quelques mois plus tard.
Cette publication a d’ailleurs été immédiatement suivie d’un recours en référé pour « excès de pouvoir » déposé le 6 mars par plusieurs sénateurs auprès du Conseil d’Etat, rapidement rejoints, le 14 mars, par l'Association pour un tourisme professionnel, l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie et le Groupement des hôtelleries et restaurations de France.
Tous dénonçaient le maintien d’un avantage fiscal jugé excessif en laissant un choix aux contribuables. Mais la question n’a pas été tranchée avant l’ouverture de la période de déclaration des revenus. Ce n’est donc qu’à cet instant que les contribuables ont pu découvrir que, pour la déclaration de leurs revenus 2023 de location de courte durée, il leur était possible de continuer à bénéficier d’un abattement de 50% pour les meublés de tourisme non classés, de 71% pour les meublés de tourisme classés, et même de 92% s’ils en remplissaient les conditions.
Ce n’est d’ailleurs que quelques semaines plus tard que le Conseil d’Etat devaient finalement annuler l’article du BOFiP, mais les déclarations d’impôts étaient alors déjà réalisées. Nous sommes alors en août 2024, et il apparaissait urgent de clarifier la situation des meublés de tourisme. Raison pour laquelle la loi Le Meur, dont les discussions ont commencé dès le mois de janvier 2024, s’est emparée de ce sujet, avec toutefois quelques péripéties, comme nous le verrons dans la seconde partie de cette tribune.