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COP 30 : l’ESG sous haute tension

finance verte ESG

La COP brésilienne privilégie la politique des petits pas aux grandes annonces, pendant que l’Europe vit sa propre tempête sur l’ESG. Les textes du green deal passent à la moulinette des institutions européennes, qui cèdent aux sirènes de la « simplification ».

 

 

 

 

 

L’évolution des Conférences des Parties (COP) est à l’image de celle de la finance verte en Europe : aux grandes ambitions succède ce que certains qualifient de recul, d’autres de pragmatisme. La COP 30, qui se tient à Belém au Brésil, du 10 au 22 novembre et marquée par l’absence des Etats-Unis, s’inscrit dans cette trajectoire. « Il n’y a pas de grand objectif affiché mais une centaine de points figurent à l’agenda, indique Aela Cozic, directrice associée, investissement durable chez Fidelity International. Le sommet aborde ouvertement l’adaptation au changement climatique, levant un tabou. »

+1 °C

L’objectif encore affiché de maintenir l’augmentation de la température moyenne mondiale en dessous de +1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels de l’Accord de Paris semble en effet illusoire, alors que le thermomètre affichait déjà +1,42 °C entre janvier et août 2025. Les dernières projections du Programme des Nations unies pour l’environnement tablent sur un réchauffement compris entre 2,3 et 2,5 °C. Ce, « en supposant la mise en œuvre complète » des Contributions Déterminées au niveau National (CDN), qui doivent mener à la réduction des émissions de carbone de 12 %. Il s’agit de plans d’adaptation adoptés par 11 pays développés (une centaine au total), plutôt vagues aujourd’hui, mais dont l’ambition pourrait être rehaussée à l’occasion de la COP 30.

En regardant le verre à moitié plein, 1,3 °C a été retranché grâce à la mise en œuvre de l’Accord de Paris. La dynamique des émissions de Co2 a ralenti, passant de +2,6 % par an entre 1965 et 2015 à +1,8 % par an. Les investissements dans les énergies renouvelables sont aujourd’hui deux fois supérieurs à ceux dans les énergies fossiles, alors que les coûts d’installation ont fortement baissé : celui des systèmes photovoltaïques résidentiels a chuté de 64 % depuis 2010. L’Agence internationale de l’énergie a cependant ravivé des craintes en publiant le 12 novembre son « World energy outlook », dont l’un des scénarios prévoit une hausse continue de la demande en énergies fossiles jusqu’en 2050, alors que leur usage devait décroître à partir de 2030.

Activisme anti-activistes

Le rôle des investisseurs sera déterminant pour la mise en œuvre des engagements climatiques : les flux dédiés à la finance climatique couvrent moins de 7 % des besoins évalués pour l’adaptation climatique. Mais les acteurs continuent de subir la pression du gouvernement Trump, alors que les procès anti-ESG se multiplient aux Etats-Unis. L’actionnariat climatique est particulièrement menacé alors que Glass Lewis et ISS, deux agences de conseil en vote aux assemblées générales, sont sous le coup d’une enquête diligentée par le procureur général du Texas pour déterminer si les consignes de vote communes enfreignent la loi fédérale.

Au Parlement européen, la droite a choisi de s’allier avec l’extrême droite pour adopter le 13 novembre une version plus radicale que celle du Conseil de l’Union européenne et de la Commission du paquet législatif Omnibus I, qui vise à alléger les normes de durabilité des entreprises. Le champ de la directive sur le reporting de durabilité des entreprises (CSRD) et de la directive sur le devoir de vigilance des entreprises (CS3D) a été considérablement réduit : 1750 salariés et 450M€ de chiffre d’affaires pour la CSRD, 5 000 salariés et de 1,5 Md€ de chiffre d’affaires pour la CS3D. Près de 90 % des entreprises initialement concernées par la directive CSRD ne le sont plus dans cette version, tout comme 70 % de celles soumises au devoir de vigilance.

Simplification ou repli ?

« Le continent qui avait fait du reporting durable une arme économique et diplomatique face aux États-Unis choisit aujourd’hui le repli », déplore Alexis Normand, cofondateur et PDG de Greenly. Le texte définitif doit être adopté en trilogue, mais ce vote constitue la position du Parlement dans les négociations.

Les normes européennes de durabilité prévues pour le reporting CSRD (ESRS) vont également être réduites de deux tiers. Elles doivent pourtant constituer des points de données précieux et harmonisés pour les gérants d’actifs, eux-mêmes soumis à des obligations de reporting en vertu du règlement sur la publication d'informations de durabilité dans le secteur des services financiers (SFDR).

Le texte doit également faire l’objet d’une simplification, que la Commission européenne présentera le 19 novembre. Selon les premiers éléments disponibles, les traditionnels articles 6, 8 et 9 devraient laisser la place à d’autres catégories de fonds durables et les obligations de reporting être simplifiées.

Alors que les fonds qui s’affichent comme durable représentent aujourd’hui environ 7 % du total des actifs sous gestion, le futur de l’ESG est aussi emporté par ce mouvement de balancier entre pragmatisme et ambition.