Hausse potentielle des droits de douane, guerre commerciale rampante, incertitude réglementaire : en 2025, les tensions autour du commerce mondial atteignent un nouveau palier. Loin d’être un bruit de fond, ces dynamiques redessinent en profondeur les équilibres du capital investissement. Entre ralentissement des cessions et remaniements de la chaîne de valeur, les fonds doivent repenser leur stratégie.
Depuis avril, les hausses tarifaires annoncées par l’administration Trump, visant plus de 1,300 Md$ de transactions à l’échelle mondiale (1), ont ravivé les tensions commerciales et rappelé le poids croissant des politiques protectionnistes. Pour les fonds de private equity, ce n’est pas un choc brutal, mais une nouvelle complexité à intégrer à chaque étape du cycle : sourcing, structuration, valorisation, sortie.
L’adaptation stratégique des fonds
Les fonds doivent désormais intégrer les dimensions tarifaires, cette adaptation passe par plusieurs ajustements structurants :
- Renforcement des due diligences : les processus d’analyse s’allongent pour intégrer les risques liés aux chaînes d’approvisionnement, aux fournisseurs exposés, et aux clauses tarifaires. Des outils de simulation et des audits de dépendance sont de plus en plus utilisés dès la phase pré-deal (2)
- Révision des valorisations : les hausses tarifaires, en affectant les marges et les perspectives de croissance, conduisent les fonds à ajuster leurs modèles de valorisations à l’achat et à réévaluer les opportunités de sorties
- Une stratégie proactive : les fonds mettent en place des cellules de veille « tariffs », revoient la composition de leurs portefeuilles et privilégient des actifs plus défensifs (2)
Tandis que les fonds s’ajustent à ce nouvel environnement, la dynamique demeure favorable du côté des investisseurs : 83% des LPs interrogés par Rede Partners(3) poursuivent leur stratégie d’investissement dans une logique « business as usual ».
Les enjeux et leviers d’action pour les sociétés en portefeuille
Face aux tensions commerciales, les entreprises en portefeuille doivent activer rapidement des leviers concrets pour préserver leur compétitivité et préserver leurs marges. Les sociétés fortement exposées aux hausses tarifaires voient une pression immédiate sur leur rentabilité : baisse des marges brutes, érosion de l’Ebit et incertitude sur les coûts futurs. Ainsi, les stratégies déployées par les fonds convergent autour de trois axes majeurs :
- Approche structurée de la création de valeur : pricing dynamique, sécurisation des contrats, adaptation du go-to-market… les fonds revoient leur stratégie de création de valeur
- Investissements IA/technologiques ciblés : les entreprises peuvent également s’appuyer sur la technologie (automatisation, IA, data) pour absorber les hausses de coûts, optimiser les stocks et pouvoir réagir face aux fluctuations tarifaires
- Optimisation des chaînes d’approvisionnement : relocalisation partielle, diversification géographique, renégociation fournisseurs… L’objectif est de réduire la dépendance aux zones lourdement taxées tout en maintenant la capacité de production
Selon PwC (1) , les dix secteurs les plus exposés aux hausses tarifaires totalisent plus de 290 Md$ d’impact potentiel annuel, avec des pics dans l’automobile, le secteur pharmaceutique et l’énergie. Ce niveau d’exposition incite les investisseurs à revoir leur allocation : 38% des LPs prévoient une réorientation sectorielle (3) , en faveur de thématiques plus résilientes.
Si les hausses tarifaires de 2025 n’ont pas bouleversé le private equity, elles en ont reconfiguré les règles du jeu. Dans ce nouvel environnement, les gagnants seront ceux qui sauront combiner excellence opérationnelle, agilité stratégique et discipline sectorielle.
(1) PwC, US Tariff Industry Analysis – Private Equity, mars 2025
(2) Bain & Company, Tariffs: The End of the Beginning ?, avril 2025
(3) Rede Partners Tariffs: the Rede LP Pulse Check, avril 2025