L’or a progressé de 40% depuis 1 an. La demande d’or physique des banques centrales, la baisse récente des taux américains et la réduction du taux d’ouverture du commerce international expliquent cette progression.
L’or a atteint plus de 3100 dollars l’once en avril 2025, confirmant son rôle défensif dans les portefeuilles d’investissement. Depuis 2000, son prix a été multiplié par plus de huit en termes nominaux, avec une progression annuelle moyenne de 9,6 %, dépassant les performances des obligations souveraines et des portefeuilles traditionnels 60/40.
Cette tendance s’explique par la demande accrue des banques centrales pour accumuler des réserves d’or, la persistance des risques inflationnistes, et l’instabilité politique, notamment sur le plan commercial.
Diversification des banques centrales
Les achats d’or par les banques centrales ont explosé au cours des dernières années. En 2022 et 2023, elles ont acquis en moyenne plus de 1 150 tonnes d’or par an, un record historique selon le World Gold Council. Cette dynamique reflète une volonté de diversification des réserves de change, l’or représentant en moyenne 20 % des réserves globales des banques centrales, mais encore seulement 5 % des réserves chinoises.
L’accumulation stratégique de la People’s Bank of China (PBOC) s’accélère avec plus de 260 tonnes achetées entre 2022 et 2024. En parallèle, les banques centrales asiatiques et émergentes réduisent leur exposition aux obligations américaines, et 20 % des ventes de bons du Trésor américain depuis 2022 ont été réallouées en or en Chine, une tendance inédite depuis l’ère post-Bretton Woods. Ce mouvement s’inscrit dans une logique de diversification des réserves monétaires, notamment sous l’impulsion de pays comme la Turquie ou la Pologne.
Corrélation aux taux réels
Par ailleurs, l’un des principaux moteurs du prix de l’or est l’évolution des taux d’intérêt réels, définis comme la différence entre les taux nominaux et l’inflation.
Lorsque ces taux deviennent négatifs ou fortement comprimés, l’or enregistre des performances exceptionnelles. Actuellement, ces taux réels sont positifs (1,8%) mais leur dynamique influe sur l’évolution de l’or. Ainsi, depuis janvier 2024, les taux à 10 ans aux États-Unis ont chuté de 60 points de base, passant de 4,8% à 4,2%. Cette baisse, liée à des surprises économiques négatives, a renforcé l’attractivité de l’or en réduisant le coût d’opportunité de détention. Le marché anticipe désormais deux baisses de taux de la Fed en 2025, ce qui pourrait ramener les taux réels plus proches des 1%, créant une pression haussière supplémentaire sur l’or.
Les tensions géopolitiques et les déséquilibres économiques mondiaux jouent également un rôle clé dans l’appréciation de l’or. Le Fonds monétaire international estime que les tensions budgétaires, fiscales et commerciales expliquent environ 25 % des variations du prix de l’or sur le long terme. La montée du risque de défaut souverain aux États-Unis en est une illustration, avec la probabilité implicite d’un défaut américain, mesurée par les CDS à 5 ans, ayant bondi de 25 à 40 points de base ces derniers mois.
London's shortage
Par ailleurs, la dette fédérale américaine a atteint 100 % du PIB, un seuil critique qui exacerbe la pression sur la crédibilité du dollar et des obligations souveraines. La baisse du commerce mondial accentue encore cette tendance : selon l’OMC, le taux d’ouverture commerciale mondiale devrait chuter de 5 % d’ici 2030 sous l’effet des politiques protectionnistes. En parallèle, le marché de l’or subit des tensions inédites avec une augmentation de 10 % des importations américaines en janvier 2025, largement dominée par la demande de lingots physiques, tandis qu’une pénurie de métal se profile à Londres, contrastant avec des stocks records à New York.
L’offre d’or est par ailleurs sous pression. Sur les 216 265 tonnes extraites jusqu’à présent, seules 54 770 tonnes restent exploitables, soit environ 25 % des réserves identifiées. Les coûts d’extraction ont augmenté de 30 % entre 2015 et 2025, rendant l’accès à de nouvelles mines plus complexe. Le gold ore grade moyen, qui mesure la teneur en or des minerais extraits, est passé de 10 g/t en 1950 à seulement 1,3 g/t en 2025, illustrant la raréfaction du métal exploitable. L’indice de difficulté d’extraction, publié par le World Mining Council, montre que le ratio entre coût d’extraction et prix de l’or a augmenté de 18 % en une décennie, renforçant la pression sur l’offre et favorisant une hausse structurelle des prix.
Actif central
Les fondamentaux monétaires indiquent que la tendance haussière du prix de l’or est loin d’être terminée. Depuis l’abandon de l’étalon-or en 1973, la liquidité mondiale a été multipliée par 114. Si l’or avait suivi cette trajectoire, son prix théorique dépasserait aujourd’hui 3 990 dollars l’once.
Malgré cela, la part de l’or dans les portefeuilles institutionnels américains demeure inférieure à 1 %, laissant une marge de progression significative. Enfin, un facteur clé à surveiller sera la politique monétaire des grandes banques centrales. Si celles-ci reprennent une expansion de leurs bilans pour financer l’augmentation des dettes publiques, notamment en Europe, alors l’or pourrait devenir un actif monétaire central dans l’architecture financière mondiale de demain.