Gestion d’actifs

Parole d'expert : « Les corrections sur l'or sont salutaires »

cp am peuron

Dans le cadre de notre hors-série « 50 fonds à détenir dans des marchés incertains », nous avons donné la parole à plusieurs professionnels qui présentent les caractéristiques d'un de leur fonds et sa pertinence dans un contexte économique et géopolitique troublé. Charlotte Peuron, gérante chez Crédit Mutuel Asset Management, présent CM-AM Global Gold. 

Pouvez-vous nous présenter votre fonds et nous parler de sa stratégie d’investissement ?
CM-AM Global Gold est l’un des plus anciens fonds de la place de Paris puisqu’il a été créé dans les années 80. Ce qui signifie qu’il dispose d’une longue expérience de l’or à travers les différents cycles que celui-ci a pu connaître. Sa stratégie d’investissement se concentre sur les sociétés productrices et non pas le métal physique ni l’or papier. Le fonds ne fait pas de couverture de change. Il affiche un SRI (indicateur synthétique de risque) de 6/7. Ce fonds est soumis principalement aux risques suivants : risque de perte en capital, risque de gestion discrétionnaire, risque de marché actions et risque lié à l’investissement en actions de petite capitalisation.

Concrètement, que trouve-t-on dans votre portefeuille ?
Si l’essentiel des producteurs de métaux précieux sont des sociétés nord-américaines et australiennes, nous avons identifié quatre grands types de sociétés productrices de métaux précieux (or et argent) dans lesquels nous investissons. Chacun d’entre eux correspond à quatre profils de risque différents et nous pondérons leur poids dans le fonds en fonction du moment où l’on se trouve dans le cycle de l’or. La première catégorie, les majors, sont des sociétés qui produisent plus d’1 million d’onces par an et qui ont des réserves très importantes (entre cinq et dix mines en production dans des pays peu risqués). Viennent ensuite, les entreprises de taille intermédiaire qui produisent entre 250 000 onces et 1 million d’onces et qui ont souvent deux à trois actifs en production. Puis vous avez les juniors, lesquels n’ont qu’un seul actif et qui produisent moins de 250 000 onces par an, souvent dans des pays un peu plus risqués. Enfin, il y a aussi les sociétés d’exploration et de développement. Celles-ci n’ont pas encore validé le projet et ne produisent encore rien.

Investissez-vous aussi dans les sociétés de royalties ?
Tout à fait. Nous détenons actuellement environ 10 % de sociétés de royalties dont la caractéristique principale consiste à financer les projets miniers en contrepartie de revenus sur la production durant toute la vie d’une mine. Plus stables et ne portant pas le risque opérationnel lié à l’exploitation d’une mine, ces sociétés offrent moins d’effet de levier en phase de hausse des cours de l’or.

À quel type d’investisseur pourrait s’adresser votre fonds ?
Ce fonds est destiné à des investisseurs recherchant une durée de placement recommandée minimum de cinq ans. Il peut convenir aussi bien aux allocataires d’actifs professionnels qui cherchent à diversifier leur portefeuille pour capter la hausse de l’or qu’aux investisseurs particuliers avertis des risques liés à ce type d’investissement dont le risque de perte en capital.

Pourquoi investir dans votre fonds plutôt que sur l’or physique ou un ETF spécialisé ?
L’intérêt pour un investisseur réside dans l’effet de levier que peuvent apporter les sociétés cotées dans les phases de hausse du cours de l’or. Aujourd’hui très disciplinées en termes d’allocation de leur capital, celles-ci peuvent en effet permettre de bénéficier d’un effet de levier opérationnel. Trimestre après trimestre, les marges de ces sociétés sont en phase d’expansion. Selon un consensus d’analystes, une hausse de 3 % du cours de l’or correspond en ce moment à une hausse de 11 à 12 % de la valeur des actifs des sociétés minières aurifères. L’effet dont il est possible de bénéficier est donc lié à la croissance potentielle des revenus, des résultats et à celle de la valorisation. À cela s’ajoute le fait que ces entreprises préfèrent pratiquer une politique de retour aux actionnaires au travers de la distribution potentielle de dividendes et du rachat potentiel d’actions plutôt que de surinvestir. Et de surcroît, leur valorisation est jugée attractive. Ces observations pourraient se vérifier aussi pour les sociétés argentifères puisque l’on peut assister à une accélération sur le prix de l’argent.

Quel intérêt pour vous de détenir des sociétés argentifères dans le portefeuille ?
À début juin, nous détenons près de 10 % dans le fonds mais cette proportion peut varier, ne serait-ce que parce que la profondeur du marché argentifère est beaucoup plus limitée que celle du marché de l’or. Et puis, il n’existe que très peu de « purs » producteurs pour ce métal. L’argent est souvent un coproduit d’autres métaux comme le cuivre. Les valeurs du secteur argentifère suivent un peu les mêmes tendances que celles du secteur aurifère tout en étant un peu plus volatiles. À la différence de l’or utilisé pour fabriquer des bijoux ou pour être stocké, l’argent est souvent utilisé comme métal industriel. Résultat, une bonne partie de son prix est liée à la croissance économique.

En plus de l’argent, d’autres métaux sont-ils présents dans le fonds ?
Nous pouvons investir à la marge dans des producteurs de cuivre dès lors que nous sommes confiants sur l’évolution du cours. Etant donné que les gisements de cuivre se trouvent souvent mêlés aux gisements aurifères, nous investissons au travers de sociétés qui produisent aussi de l’or. L’intérêt de détenir du cuivre actuellement réside dans les incertitudes liées aux déclarations de l’administration américaine. Nous pourrions assister à un phénomène de restockage de ce métal si la politique tarifaire devenait moins favorable, comme pour l’aluminium ou l’acier.

L’entrée en vigueur des nouvelles taxes voulues par Donald Trump a provoqué une vague de prises de bénéfices sur l’or et le cours de l’once en euros a chuté. Est-ce un sujet d’inquiétude pour vous ?
Il s’agit au contraire de corrections salutaires. La hausse ne peut pas se poursuivre de façon linéaire. Elle se fait plutôt par palier de consolidation sur le cours de l’or. D’autant qu’il existe aussi une certaine saisonnalité sur ce métal précieux et que la phase d’activité consacrée à la bijouterie débute seulement au mois de septembre.

Quel est votre scénario pour le cours de l’or à moyen terme ?
Il est aujourd’hui possible d’identifier plusieurs facteurs de soutien au cours de l’or. Le premier et peut-être le plus évident, c’est la dégradation de la dette des grands pays occidentaux dont le creusement du déficit américain est un très bon exemple. Or la baisse du dollar favorise la hausse du prix des matières premières et de l’or. Ajoutez à cela la montée des inquiétudes quant à une possible récession qui pourrait conduire à une baisse des taux américains et vous obtiendrez des taux réels qui resteront bas. Dans ce cas, il deviendra encore plus intéressant de détenir de l’or. Enfin, il ne faut pas négliger le fait que plusieurs banques centrales de pays émergents achètent de l’or depuis un certain temps déjà et ne semblent pas avoir l’intention d’arrêter d’ici peu. Pour elles, il s’agit aussi de détenir moins de dollars. 

 

TB