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Marchés financiers : les choix d’Amiral Gestion et Moneta AM

Stratégies d'allocations, stock picking, valeurs bradées, etc. Comment, en cette période de crise inédite, les sociétés de gestion prennent-elles leurs décisions ? Illustration avec Amiral Gestion et Moneta AM.   

 

En cette période de crise inédite, la plupart des sociétés de gestion communiquent davantage sur leurs décisions. Une manière de rassurer partenaires et investisseurs. Nous avons retenu les explications d’Amiral Gestion et de Moneta AM.

Chez Amiral Gestion, Benjamin Biard, directeur du développement, et trois gérants, Raphaël Moreau, Jacques Sudre et Louis d’Arvieu, commentent la stratégie d’allocation mise en œuvre, avec des précisions sur leur gestion actions. Chez Moneta Asset Management, c’est Romain Burnand, gérant et codirigeant de la société, qui se livre à l’exercice de l’éclairage sur les décisions qu’il a prises dans le cadre de la gestion du fonds emblématique Moneta Multi Caps.

Une situation aberrante

Du coté des actions, la volatilité est toujours aussi importante, remarquent les professionnels d’Amiral Gestion, avec des échanges très étoffés. « Par rapport au début de l’année (à la date du 20 mars), les grands indices, comme ceux des petites et moyennes valeurs, ont perdu environ un tiers de leur valeur. Le Nasdaq ne cède que 20 %. La situation est devenue particulièrement aberrante pour de nombreuses small cap aujourd’hui bradées. Elles se négociaient déjà à un niveau de valorisation inférieur à celui des big cap avant le mouvement de correction. Certaines grandes capitalisations demeurent pourtant chères au regard de leur valorisation historique. On peut citer L’Oréal, qui se traite à 32 fois le résultat de ces 12 derniers mois, un niveau supérieur à celui de 2007 ».

Nombres d’entreprises sont « massacrées » en Bourse avec des niveaux de cours inférieurs à leurs actifs, leurs trésoreries ou leurs besoins en fonds de roulement. « L’environnement est plus que jamais complexe. Il nous permet toutefois, font observer les gérants, d’avoir des réponses très simples puisque nous plaçons notre intérêt sur les valeurs bradées aux fondamentaux toujours excellent ou s’échangeant sous la valeur de leurs actifs tangibles. Et ce, dans une approche opportuniste. Une société comme Sixt, par exemple, nous semble très intéressante. Nous ne sommes pas pressés de retourner sur le marché nord-américain, que nous trouvons surévalué depuis longtemps. Si certaines valeurs, comme Berkshire Hathaway nous semble bradée, le reste du marché est toujours à des niveaux de valorisation élevés, à commencer par Coca Cola qui, même si le titre vient d’effacer deux années de hausse, reste cher à nos yeux. Ce qui n’est pas le cas du Japon, que nous considérons aujourd’hui toujours aussi intéressant au regard d’entreprises peu endettées et loties de belles trésoreries. »

L’exposition aux actions du fonds Sextant Grand Large atteint dorénavant 50 %. Le solde est constitué d’obligations (20 %) et de liquidités (30 %). « La situation actuelle, continuent les experts d’Amiral Gestion, est plus que jamais favorable au stock picking, compte tenu de l’énorme disparité entre les différents actifs. Nombre de valeurs se négocient à leurs niveaux de 2009, ce qui constitue de très belles opportunités d’achat. Les liquidités du fonds Sextant Bond Picking s’établissent à 26 % de l’actif. Les conditions de réinvestissement commencent à se révéler intéressantes. Certains titres obligataires, comme Faurecia, Rexel ou Elis, retrouvent des rendements à cinq ans de 7 % ou 8 %. »

Manque total de visibilité

Si la baisse du marché a été très brutale, fait pour sa part remarquer Romain Burnand chez Moneta AM, les actions « très résolues » des banques centrales, de l'Union européenne et des Etats ont été « rapides et fortes ». Selon lui, le très fort ralentissement de l’activité en Europe ne devrait pas se traduire par une crise financière, malgré le niveau de dettes élevé du système. « Les résultats de quasiment tous les secteurs économiques, souligne-t-il, vont être sous forte pression. Cela est très clair sur tout ce qui est lié au tourisme et aux loisirs, et toute l’activité impactée par les mesures de confinement. » Il y a aussi un doute sur la solvabilité de certains acteurs. L’impact sur les résultats de entreprises de l’année en cours sera « très significatif », au-delà de ce qui est prévu aujourd’hui par les analystes. Il y a un manque « total » de visibilité. D’où la très forte volatilité des marchés et, notamment, de celui des actions.

« Nous sommes en face, estime Romain Burnand, d’une forte contraction de l’économie, mais pas nécessairement de destruction de capacités productives. Si le court terme est très incertain, l’année 2021 pourrait être une année de retour à une activité économique et de résultats de sociétés moins anormaux qu’aujourd’hui. Dans ce cadre, notre stratégie est de ne pas essayer de se protéger des risques, ce qui serait de toute façon illusoire, mais de choisir les risques. En concentrant le portefeuille sur les sociétés qui nous paraissent capables de traverser la crise sans augmentation de capital. Cela veut dire des sociétés non endettées ou des sociétés dont la dette est bien structurée. En acceptant de prendre des risques sur des sociétés affectées par l’arrêt de l’activité et dont la visibilité sur les résultats peut être très faible… dans le cas où la baisse de leurs cours nous paraît très exagérée. Nous nous sommes ainsi renforcés dans le secteur de la construction et des promoteurs immobiliers. Les chantiers sont souvent à l’arrêt, mais les carnets de commandes sont importants. »

Plusieurs arbitrages ont été réalisés pour tirer profit d’« anomalies de marché » (renforcement en Spie financé par la cession d’Elis) ou pour profiter de la « décote » d’Ingenico (achat) par rapport à l’offre de Worldline (vente). Principales lignes de Moneta Multi Caps : Sanofi, EDP, EDPR, Nexi, Alstom, BNP Paribas, Ingenico, Eiffage, Total, Teleperformance, Bolloré, Soitec, Alten, Icade, LVMH. Atouts de Moneta AM : son pragmatisme et sa connaissance des sociétés dans lesquelles investit l’équipe de gestion.

ML