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Obligations vertes : Axa IM table sur une année record

Johann Plé, gérant de portefeuille chez Axa IM, commente l’évolution et les perspectives du marché des green bonds, dont les émissions pourraient, selon lui, battre en 2020 de nouveaux records.

Alors que les besoins en investissements verts sont colossaux, la diversification des projets et des émetteurs devrait porter la croissance du marché en 2020. C’est ce qu’estime Johann Plé, gérant de portefeuille chez Axa Investment Managers. En 2019, les émissions d’obligations vertes ont fait un bond de +76%, à 150 Md$, avec 50% d’émetteurs supplémentaires, reboostant l’économie verte après un exercice 2018 difficile.

« L’année 2018, rappelle le professionnel, a parfois été qualifiée de premier revers pour le marché des obligations vertes, du fait des négociations autour du Brexit, du contexte de guerre commerciale et de l’incertitude en Italie qui pesaient sur l’appétit pour le risque. Cela avait provoqué des sorties de fonds importantes dans la plupart des catégories d’actifs. Le volume d’émissions sur le marché obligataire mondial avait fortement diminué par rapport aux années précédentes et la demande avait été plus timide. »

Facteurs d’engouement 

La volonté des émetteurs de mettre en avant leur engagement pour une économie plus propre, l’appétit des investisseurs renforcé par des exigences réglementaires de transparence en matière environnementale et les multiples initiatives, telles que la publication des EU Green Bond Standards ou la future taxonomie européenne, sont autant de facteurs d’engouement pour cette classe d’actifs. Au-delà des émetteurs historiques tels que les entités supranationales et autres agences d’Etat, la croissance du marché des green bonds a été soutenue par de nouveaux émetteurs qui, à leur tour, ont décidé de rejoindre le marché des obligations vertes.

77 nouveaux émetteurs sont intervenus sur ce marché l’an dernier, ce qui a entraîné une augmentation du nombre de participants de 50% (224 au total). Deux catégories se sont distinguées : les émetteurs souverains, avec Hong-Kong, le Chili et les Pays-Bas, et les émetteurs privés non financiers (un segment qui a fortement rebondi grâce à l’impulsion de nouveaux secteurs d’activité, comme celui des télécommunications).

« Associé à un secteur financier dynamique, au sein duquel on a pu voir les premières émissions d’assureurs européens, relève Johann Plé, le marché du crédit a pris pour la première fois la tête du marché primaire en 2019, avec 55 % du volume total d’émissions. Avec plus de 400 Md$, le marché des obligations vertes s’impose comme une classe d’actifs crédible au sein de l’univers obligataire, avec l’avantage d’un bénéfice environnemental transparent et quantifiable ». 

Espérons, ajoute-t-il, que la diversification grandissante en termes d’émetteurs, de secteurs d’activité ou de régions qui accompagne cette croissance s’accompagnera également d’une plus grande diversification des projets financés. Des opportunités pertinentes, allant au-delà de la réduction des gaz à effet de serre pourraient ainsi bénéficier de la dynamique de ce marché. C’est le cas de projets visant d’autres objectifs environnementaux, tels que la protection des écosystèmes, l’utilisation durable de l’eau et des ressources marines, l’économie circulaire ou l’adaptation au changement climatique. »

Challenges et opportunités 

Le spécialiste d’Axa IM pense que ce qui a été observé en 2019 va très probablement se poursuivre, offrant à 2020 la possibilité d’établir de nouveaux records. Désireux de continuer dans la voie fixée lors de la COP 21 à Paris, beaucoup d’émetteurs souverains sont, en outre, susceptibles de devenir un moteur important du marché des obligations vertes dans les années à venir.

En parallèle, la vigueur du marché du crédit devrait rester soutenue. Au-delà des collectivités et des banques, actives au cours des dernières années, des entreprises travaillant dans d’autres domaines devraient progressivement franchir le pas, conscientes de la nécessité d’adopter une stratégie environnementale durable pour faire face aux challenges et opportunités du changement climatique, encouragées par les initiatives de plusieurs organisations (Climate Bonds Initiative, par exemple) et mieux informées sur le niveau d’exigence que requiert l’émission d’une obligation verte.

Par ailleurs, la croissance du marché des green bonds, qui reste encore principalement portée par des émissions en euros (62% du marché fin 2019) émanant d’entités européennes pourrait être renforcée dans les prochaines années par une présence accrue d’émetteurs américains et émergents. Les besoins en investissements verts sont considérables. Le seul plan d’action de la Commission européenne (publié en mars 2018) pour faire face aux risques climatiques, par exemple, indique que, d’ici à 2030, les besoins en investissements pour atteindre ses objectifs en matière d’émissions de gaz à effet de serre sont de 180 Md€ par an ! 

Pour Johann Plé, le marché des obligations vertes a encore de beaux jours devant lui. De nouveaux instruments pourraient voir le jour. La nécessité de changement et d’investissement ne se résume pas aux entreprises les plus propres, aptes à émettre des obligations vertes. Des instruments comme les transition bonds, dont Axa IM est à l’origine, pourraient également aider à impliquer davantage de secteurs, en les incitant à changer leur manière d’opérer et à s’engager dans la lutte contre le changement climatique. Pour information, sur trois ans (à fin janvier 2020), la performance du fonds Axa WF Global Green Bonds A est de + 6,8 %.

Michel Lemosof