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Stratégie 2020 : AllianzGI table sur la hausse des actifs risqués

Dans un contexte macroéconomique qui se dégrade et de taux d’intérêt qui devraient rester bas, AllianzGI anticipe une année 2020 favorable au crédit et aux actifs risqués en général.

« Nous sommes dans un environnement économique et financier incertain et complexe » : c’est par ces mots que Franck Dixmier, directeur des gestions obligataires d'Allianz Global Investors, a commencé, lors d'un récent point presse, sa présentation sur les perspectives de marché et la stratégie d’investissement pour 2020.

Et de passer en revue cinq éléments déterminants pour les marchés : fatigue de fin de cycle pour l’économie globale, impact décroissant de la politique monétaire, marges de manœuvres réduites pour les politiques budgétaires, peu d’amélioration du côté des risques politiques et valorisations de plus en plus ambitieuses. Par ailleurs, selon lui, est encore trop tôt pour « shorter » le Bund.

Démographie en déclin et productivité en berne

Franck Dixmier relève un paradoxe : d’après une étude de Bank of America-Merrill Lynch Fund Manager, l’optimisme à l’égard de l’économie a connu, en novembre, son plus important rebond des 25 dernières années, alors qu’en réalité les données macroéconomiques globales continuent à se dégrader. « En 2020, précise-t-il, les économies développées évolueront en deçà de leur potentiel, lui-même en décélération structurelle, en raison d’une démographie en déclin et d’une productivité en berne. La croissance américaine dure depuis dix ans et la croissance en zone euro depuis 79 mois consécutifs. Or, le déclin du climat des affaires contamine peu à peu la confiance des consommateurs, tandis que les perspectives dans les services se sont significativement détériorées. »

« La probabilité d’une récession aux Etats-Unis, analyse-t-il, est très faible à court terme mais reste élevée à moyen terme. L’écart est frappant entre les risques contenus à court terme et les risques élevés à moyen terme. Alors que le marché est souvent incapable de prévoir les actions de la Réserve fédérale américaine, ni l’inflation ni le marché du travail ne justifierait d’assouplissement monétaire. »

En tout cas, il semble que la perspective de l’élection présidentielle américaine, fin 2020, ne changera pas le comportement de la Fed, qui fera tout pour soutenir la croissance et qui, donc, réagirait à un éventuel ralentissement économique. Pour l’heure, les marchés « achètent » un scénario de stabilisation de l’activité et de décrue des risques politiques.

En prenant l’hypothèse d’une faible probabilité de récession (inférieure à 10 %), les actions américaines pourraient progresser de 8,3 % sur douze mois. Mais celles-ci pourraient reculer de 13,6 % dans l’hypothèse d’une forte probabilité de récession (supérieure à 75 %). Il ne faut pas se tromper !

Vincent Marioni, directeur Europe des investissements crédit d’AllianzGI, note que le risque italien est passé au second plan et que la probabilité d’un Brexit dur s’est réduite. Il souligne aussi que le coût de financement est exceptionnellement bas pour les entreprises, que les banques centrales soutiennent les marchés de taux, que la volatilité restera soumise à des pics, que la rareté du rendement disponible parmi les classes d’actifs fixed income alimente techniquement la demande (face à une offre en repli et aux achats de la BCE), mais que le taux de défaut devrait progressivement augmenter (pour passer au-dessus d’une moyenne de long terme qui, pour le high yield européen, par exemple, se situe à 3,2 %), compte tenu de la dégradation des conditions macroéconomiques et de la poursuite des tensions commerciales (qui pèseront sur les émetteurs les moins bien notés).

Services aux collectivités et banques, deux thèmes porteurs

Pour sa part, Catherine Garrigues, directrice de la stratégie de conviction actions Europe, fait observer que le principal moteur de la hausse des actions a été la baisse des taux, que les rotations sectorielles étaient dernièrement importantes et que le rendement du dividende des actions européennes, qui avoisine 3,65 %, est nettement supérieur à ceux des obligations privées (0,68 %) et des emprunts d’Etat (– 0,37 %). Avec une moyenne de 4,66 %, le rendement des utilities donne au secteur, au cœur de la transition énergétique, un véritable attrait, avec une visibilité de choix sur son taux de croissance (attendu autour de 10 %).

Autre secteur à suivre : les banques, dont la valorisation est très basse. « Les résultats du deuxième trimestre 2019, indique la gérante, ont en général surpris par leur résilience. Il semble que les banques aient trouvé la parade aux taux bas et négatifs. Elles appliquent parfois des taux négatifs à leurs clients. Les profits ont aussi augmenté grâce à la diminution des provisions (réduites de 100 Md€). Néanmoins, les résultats ne peuvent pas être comparés avec ceux d’avant-crise : les banques ont aujourd’hui un capital deux fois supérieur, avec des returns on equity [rentabilité des capitaux propres] de l’ordre de 7,5 %. » Cela dit, le rendement du secteur tourne autour de 6 %, tandis que la plupart des banques ont un pay out ratio [taux de distribution] inférieur à 70 %, ce qui procure aux investisseurs un « certain confort ».

Dans un contexte macroéconomique dégradé, il s’agira, selon Catherine Garrigues, d’être « prudent » et « sélectif », malgré des valorisations raisonnables (16 fois les résultats anticipés en Europe, contre 24 fois aux Etats-Unis). Il faudra des portefeuilles « équilibrés » entre les styles de gestion et tenir compte de l’ESG, qui devient un facteur « central » et « différenciant ».

Thèmes d’investissement privilégiés, en plus des services aux collectivités [utilities] et de la banque : les soins à la personne, l’agroalimentaire, le luxe, l’immobilier, le payment processing, la construction, les télécoms et l’assurance.

Michel Lemosof

 


Michel Lemosof