
Le trilogue a débouché sur un accord qui reconfigure profondément les obligations européennes en matière de durabilité. Le paquet Omnibus I acte un net recul du champ d’application des textes du green deal, relevant fortement les seuils et allégeant les exigences de reporting pour une large majorité d’entreprises.
Les négociateurs du Conseil de l’Union européenne et du Parlement européen sont arrivés à un accord le 9 décembre sur le paquet Omnibus I. Celui-ci vise à « simplifier les exigences en matière de reporting et de diligences raisonnables pour renforcer la compétitivité européenne » en matière de durabilité, ont fait savoir les institutions dans un communiqué.
Le champ des entreprises concernées par la directive sur le reporting de durabilité des entreprises (CSRD) et de la directive sur le devoir de vigilance des entreprises (CS3D) s’en trouve considérablement réduit.
Régime sec
Pour la CSRD, le nouveau seuil est de 1 000 salariés et 450 M€ de chiffre d’affaires net, contre 250 salariés et 50 M€ de chiffre d’affaires jusqu’ici. Une mouture finale un peu plus ambitieuse que la copie du Parlement, qui fixait un seuil à 1750 salariés. Mais plus restrictive que celle initialement proposée par la Commission européenne, qui proposait que soient concernées les entreprises de plus de 1 000 employés et 50 M€ de chiffre d’affaires, retirant déjà 80 % des entités du spectre pour un allègement administratif chiffré à 4,5 Md€.
Les entreprises étrangères seront aussi concernées dès lors qu’elles réalisent plus de 450 M€ de chiffre d’affaires dans l’espace communautaire.
Vague après vague
Les PME cotées sont automatiquement retirées du scope, de même que les holdings financières. Une exemption a également été prévue pour les entreprises de la « première vague », qui devaient commencer à reporter en 2024, mais sortent du scope pour 2025 et 2026. Celles de la deuxième et troisième vague, à savoir les PME cotées et les grandes entreprises non cotées, avaient déjà bénéficié d’un report de leur obligation de reporting de deux ans (jusqu’en 2027) grâce la directive « stop the clock » d’avril 2025.
Les normes de reporting elles-mêmes (ESRS) vont également être drastiquement revues à la baisse. Le Groupe consultatif européen sur l’information financière (Efrag) a publié il y a quelques jours de nouveaux ESRS, en réponse à une demande de la Commission européenne. Dans sa copie, les points de données sont réduits de 70 % et les exigences de matérialité simplifiées. Le reporting sectoriel, lui, sera « facultatif », affirme un communiqué le Parlement européen.
Amendes allégeées
La CS3D, de son côté, ne s’appliquera plus qu’aux entreprises de plus de 5 000 salariés et réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 1,5 Md€, contre 1 000 salariés et 450 M€ dans le texte initial. Le montant des amendes a également été revu à la baisse, de 5 à 3 % du chiffre d’affaires mondial net.
Les sociétés concernées par le devoir de vigilance ne devront plus fournir une cartographie complète de leur activité mais réaliser plutôt « un exercice de cadrage plus général », précise le Conseil de l’UE. L’obligation de prévoir un plan de transition climatique aligné avec l’Accord de Paris sur le climat a été purement supprimée. Ici aussi, une période de transition pour l’application de la directive est prévue jusqu’à la mi-2029.
Cette refonte profonde des obligations de durabilité sera-t-elle suffisante pour amadouer les Etats-Unis ? Un porte-parole d’ExxonMobil a considéré ces changements insuffisants, notamment car la CS3D continue de s’appliquer aux entreprises étrangères. Selon lui, il s’agit d’un « point de blocage pour les discussions commerciales » avec l’administration Trump. Selon plusieurs observateurs, les Etats-Unis aux côtés du Qatar et des majors pétrolières, ont pesé de tout leur poids sur les négociations.
« La Commission ne dépend plus de sa majorité historique, mais d'un accord entre la droite et l'extrême-droite au Parlement européen, qui ne cherche pas la simplification du green deal mais une déréglementation complète », déplore Olivier Guérin, chargé de plaidoyer pour Reclaim Finance.
L’agrément provisoire doit maintenant être formellement adopté par le Conseil et le Parlement pour produire ses effets, mais cette procédure est généralement une formalité. D'après Olivier Guérin, la suppression des plans de transition climatique ne fait pas l'unanimité au sein du Conseil de l'Union européenne, mais « il ne reste pas grand chose à sauver de ces textes-clés ».