Fiscalité

[Tribune] Les cinq pièges de l’apport-cession à éviter

Malek Ziane

Le président du Conseil supérieur du notariat, Bertrand Savouré, a fait le portrait d’une profession transformée par l’ouverture mais menacée de « déclassement » à mesure que les offices se créent et que l’activité se tasse. La direction des Affaires civiles et du Sceau se veut rassurante.

 

 

 

 

Mal anticipée ou mal structurée, l'apport-cession peut se transformer en un véritable risque fiscal et patrimonial. Cinq erreurs, en particulier, reviennent fréquemment et peuvent coûter très cher à ceux qui s’y aventurent sans préparation.

Choisir son moment

Le premier écueil réside dans le moment choisi. Beaucoup d’entrepreneurs commettent l’erreur d’attendre la dernière minute pour constituer leur société holding. Or, un apport effectué juste avant une cession déjà négociée risque d’être requalifié par l’administration fiscale, qui y verra une manœuvre artificielle.

La sanction est lourde : perte du report d’imposition et rappel fiscal immédiat. La clé est l’anticipation. Mettre en place la structure plusieurs mois en amont, avec une documentation claire et cohérente, reste la meilleure manière de sécuriser l’opération.

Autre piège souvent sous-estimé : la nature et le rôle de la société mère. Une holding purement passive, cantonnée à la simple détention de titres, ne permet pas de bénéficier du régime de faveur. À l’inverse, une holding animatrice doit démontrer sa participation active à la gestion et à la stratégie des participations.

C’est une nuance subtile, mais elle fait toute la différence en cas de contrôle. Beaucoup d’entrepreneurs l’ignorent, et se retrouvent exposés à des redressements inattendus.

Le troisième danger tient au remploi du produit de la cession. La règle est stricte : les fonds doivent être réinvestis dans un délai de deux ans, et dans des actifs éligibles. Or, trop souvent, les dirigeants découvrent sur le tard que certaines solutions financières séduisantes – placements sophistiqués ou supports de gestion de trésorerie – n’entrent pas dans le cadre prévu. Résultat : le report d’imposition tombe, et avec lui l’avantage espéré. Pour éviter cet écueil, il faut intégrer dès le départ une stratégie de réinvestissement claire, articulée autour de la diversification et de l’ancrage dans l’économie réelle.

Cohérence patrimoniale

Un autre risque, plus insidieux, tient à la cohérence patrimoniale. L’apport-cession n’est pas seulement une question de fiscalité : elle touche à l’équilibre global du patrimoine du dirigeant. Transmission, protection familiale, disponibilité de liquidités, chaque choix résonne bien au-delà de l’opération immédiate. Se focaliser uniquement sur l’optimisation fiscale revient à perdre de vue les enjeux de long terme. Or, ce sont précisément ces enjeux qui garantissent la sérénité et la solidité de l’opération dans la durée.

Enfin, il convient de tordre le cou à une idée reçue : l’apport-cession n’est pas une simple formalité administrative. C’est une ingénierie complexe, qui demande de croiser les expertises juridiques, fiscales et patrimoniales. La réussite dépend moins d’un montage standard que d’une stratégie sur mesure, adaptée à l’histoire, aux projets et à l’horizon du dirigeant.

L’expérience montre que ceux qui se contentent d’une approche superficielle s’exposent à de lourdes déconvenues. Au fond, l’apport-cession est un formidable outil, mais ce n’est qu’un outil. Mal manié, il se retourne contre son utilisateur. Bien pensé, il devient un levier puissant de création de valeur et de transmission. Pour les dirigeants qui s’apprêtent à franchir ce cap, une certitude s’impose : l’anticipation et la rigueur ne sont pas des options, elles sont la condition sine qua non pour transformer une opportunité fiscale en une stratégie patrimoniale durable.