Fiscalité

PLF 2026 : le patrimoine, cible de choix de Sébastien Lecornu

Sébastien Lecornu

Même si les ministres ne sont pas encore nommés, les tractations en coulisse ainsi que les jalons posés par le gouvernement Bayrou laissent entrevoir les pistes du nouveau Premier ministre pour réduire le déficit en gonflant la fiscalité du capital.

 

 

 

 

Alors que tous les projecteurs sont braqués sur la taxe Zucman, qui n’a pourtant pas le soutien public du nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu, d’autres mesures concernant le patrimoine risquent bien de provoquer des polémiques similaires.

Un budget 2026 avait en effet été envoyé par le gouvernement Bayrou au Conseil d’Etat avant le vote de confiance, comme l’ont révélé Les Echos. Or, certaines mesures n’avaient pas été révélées dans le cadre du plan de redressement de 44 Md€.

CDHR, deuxième tournée

La contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR), initialement prévue pour s’arrêter en 2026, y figurait. La mesure devait durer « jusqu’à l’atteinte de 3 % de déficit, nous n’y sommes pas », indiquait cet été le ministre de l’Economie démissionnaire Eric Lombard.

Pour rappel, la mesure prévoit un taux minimal d’imposition de 20 % pour les contribuables assujettis à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR), dont le revenu dépasse 250 000 € pour une personne seule ou 500 000 € pour un couple.

Le nouveau gouvernement devra décider du sort de cet impôt vis-à-vis des 24 000 foyers fiscaux concernés, dont le rendement a été bien en deçà des 2 Md€ initialement escomptés. Le précédent envisageait de faire évoluer le dispositif : bien qu’il ait toujours écarté la taxe Zucman, une taxe différentielle sur le patrimoine ou des mesures anti-optimisation ciblant les holdings patrimoniales étaient sur la table.

Quelle « rupture » ?

Reste à savoir à quel point la « rupture de méthode » promise par Sébastien Lecornu infléchira la ligne du précédent gouvernement. Selon Cnews, le Premier ministre pourrait s’accorder avec les Socialistes sur quatre mesures - dont la plupart étaient déjà dans les cartons - permettant d’augmenter les recettes.

La flat-tax, ou prélèvement forfaitaire unique (PFU), qui s’applique aujourd’hui à un taux global de 30 %, pourrait être réhaussée à 33 %. L’épargne en assurance vie ayant dépassé les 2 000 Md€ début 2025, il est facile de comprendre pourquoi l’exécutif lorgne sur le magot des revenus immobiliers.

« L’enveloppe préférée » des Français pourrait également être frappée d’une taxe au moment de la succession, pour des recettes estimées entre 2 et 3 Md€. L’assurance vie est pour le moment non soumises aux droits de mutation à titre gratuit (DMTG) : il faudra donc voir si l’exécutif envisage une réintégration dans le barème des droits de succession, une baisse du plafond des abattements (152 500 € pour les primes versées avant 70 ans ou 30 500 € après) ou une augmentation de l’impôt spécifique qui la frappe au-delà.

Lors de l’examen du dernier projet de loi de finances (PLF), un amendement avait été étudié pour aligner la fiscalité successorale de l’assurance vie sur le barème des droits de succession en ligne directe. Avant d’être avorté sous la pression des lobbys assurantiels.

Super-impôt

Autre totem d’entente potentiel, un « super-ISF » de 0,5 % du patrimoine détenu se déclenchant à partir d’une détention supérieure à 2 M€, faisant déjà partie des pistes envisagées par le précédent gouvernement. Contrairement à la taxe Zucman, cet impôt ne ciblerait pas le patrimoine professionnel.

Cnews évoque par ailleurs « une hausse des droits de succession sur les plus-values réalisées dans le cadre de l’héritage ». La chaîne d’information continue du groupe Bolloré fait ici probablement référence aux plus-values latentes, qui échappent aujourd’hui à l’impôt. Cette mesure était déjà proposée dans plusieurs rapports, dont celui réalisé en 2021 par Jean Tirole, prix Nobel d’économie, et Olivier Blanchard, ancien chef économiste du FMI.

Retour estimé : 1,3 Md€. Des prévisions optimistes alors que les DMTG ne rapportent au plus que 18 Md€ par an et que 9 successions sur 10 ne donnent lieu à aucune imposition, comme le rappelait encore récemment une étude de l’Ifop (1).

Enfin, d’autres parties du document transmis au Conseil d’Etat visent à instaurer un accès plus restreint à la réduction d’impôt Madelin ou IR-PME via les fonds fiscaux, qui permet une réduction entre 18 % et 50 % des sommes investies.

(1) « La roue de la fortune », Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion et stratégies d'entreprise de l'Ifop et Marie Gariazzo, directrice de L'ObSoCo et codirectrice de l'Observatoire de l'engagement de la Fondation Jean-Jaurès