Fiscalité

[Tribune] Le traitement fiscal de l’assurance paramétrique

Jerome Labrousse

L’assurance paramétrique est une innovation récente dans la gestion des risques assurantiels, offrant une indemnisation automatique basée sur des indices. Ce type d’assurance pose un certain nombre de questions fiscales notamment dans un contexte international et avec l’émergence de nouveaux modes de paiements indemnitaires tels que les paiements en cryptoactifs.

 

 

 

 

Le développement rapide de l’assurance paramétrique a été favorisé ces dernières années par l’accroissement de la masse de données disponibles (data) et par les innovations technologiques permettant la modélisation des risques.

Indemnisation automatique

Ce nouveau mode d’assurance, à l’initiative des grands assureurs, apporte de nouvelles protections et de nouveaux services qui bénéficient pleinement aux assurés. Elle permet une indemnisation automatique de l’assuré dès lors que des paramètres précis et relativement faciles à mesurer dépassent un seuil prédéterminé.

Par exemple, une pluviosité importante mesurée selon un indice prédéfini (l’évènement déclencheur) est censée causer un préjudice à l’entreprise agricole assurée, entrainant son indemnisation (le pay-out).

L’avantage pour l’assuré est que l’indemnisation prévue au contrat est, dans la plupart des cas, versée automatiquement si l’évènement déclencheur se produit, sans examen ni évaluation des pertes effectivement encourues. Le montant de l’indemnisation, défini dans le contrat d’assurance, est alors forfaitaire.

Risque émergents

En dehors de la sphère des risques et enjeux climatiques et des catastrophes naturelles, les « assuretechs » se sont tournées vers la garantie des risques émergents, comme le cyber ou les atteintes à l’« e-réputation », appelant peut-être à la généralisation de la technique de l’assurance paramétrique, y compris dans les domaines classiques de garantie de responsabilité ou d’assurance de personnes.

Ce type d’assurance, par lequel, faute d’étude du sinistre, l’assuré pourrait être indemnisé sans avoir subi de perte effective ou pour une valeur supérieure à sa perte réelle, a nécessité des ajustements afin que le contrat qualifie bien, légalement, comme contrat d’assurance en visant à indemniser un dommage. Ces questions juridiques ont été traitées par les praticiens.

Les conséquences fiscales sont quant à elles plus rarement abordées alors que l'innovation vient perturber les schémas classiques d’appréhension du contrat d’assurance.

Solutions captiv-antes

Par exemple, les grands groupes internationaux qui assurent ou réassurent en interne leurs risques via des sociétés spécifiques appelées captives ont pu vouloir tester l’assurance paramétrique afin de bénéficier des avantages de ce produit assurantiel, à savoir principalement la transparence des critères permettant l’indemnisation et la rapidité des paiements.

Les assureurs ont aussi complété leur offre en proposant aux assurés des solutions de captives dites virtuelles, c’est-à-dire des captives qui sont « hébergées » au sein du bilan d’un assureur international réputé pour sa gestion des risques.

Ces nouvelles solutions sont efficaces tant pour les assurés que les assureurs qui économisent sur leurs coûts de gestion.

Contrats intelligents

Le développement rapide des solutions de paiements digitalisés et automatisés (par la technique des « smart contracts »), permet d’entrevoir des solutions basées sur la blockchain pour une indemnisation rapide voire immédiate utilisant par exemple des stablecoins pour conforter l’efficacité du paiement et éviter ce que les juristes appellent communément une potentielle « opposabilité des exceptions » susceptible de bloquer ou de ralentir le paiement indemnitaire.

Les enjeux fiscaux de ces nouvelles solutions doivent être anticipés, que le fournisseur d’assurance soit un assureur établi ou une captive interne à un groupe industriel. Concrètement, une indemnisation automatique versée à un assuré en stablecoins dans un pays étranger pourrait susciter l’intérêt des autorités fiscales des pays concernés.

Eviter les requalifications

Les aspects traditionnels du traitement fiscal de la prime et de l’indemnisation ne sont pas non plus à négliger. Il faut vérifier par exemple que le traitement assurantiel est bien respecté dans les relations internationales afin que pour l’assureur la prime ne soit pas requalifiée en prime d’instrument financier. Pour l’assuré, il convient d’avoir à l’esprit que l’indemnité est généralement traitée différemment fiscalement quand l’indemnité vise à couvrir la perte d’un élément d’actif immobilisé pour une valeur supérieure à sa valeur nette comptable.

Des questions de fiscalité internationale vont également se poser, notamment en matière de prix de transfert avec en particulier des obligations documentaires nouvelles et au regard de l’impôt minimum de 15% pour les sociétés tel que développé par l’OCDE et communément appelé « Pilier 2 ».

Retenue à la source

Les problématiques de retenue à la source sur les flux de l’assurance paramétrique doivent aussi être étudiées tout comme le traitement fiscal du paiement susceptible d’être effectué en stablecoins tels les USDC ou USDT par l’entité qui propose le produit assurantiel couplé à un paiement instantané en cryptoactifs. Le « sourcing » par l’assureur et la conversion des cryptoactifs par l’assuré en monnaie dite FIAT (Euros ou Dollars américains) doivent aussi être traités.

L’innovation du risk management proposée par les grands assureurs touche directement les entreprises internationales qui après s’être intéressées aux conséquences juridiques liées à la nature du contrat, doivent maintenant examiner attentivement les conséquences fiscales domestiques et internationales de l’assurance paramétrique. Une fois les éléments fiscaux clairement appréhendés et maitrisés, l’assurance paramétrique apparait comme un produit assurantiel très différenciant tant il est innovant. Son efficacité et sa relative simplicité devraient séduire nombre d’assurés dans les prochaines années.