Fiscalité

Le Conseil d’analyse économique démystifie l’exil fiscal

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L’institution s’est emparée du sujet, dont elle démontre qu’il s’agit d’un faux débat. Elle espère recentrer ce dernier sur les autres marges de réponses des hauts patrimoines aux réformes fiscales.

 

 

 

 

 

 

Une réforme de la fiscalité du capital de type taxe Zucman risquerait-elle de provoquer un « nomadisme fiscal », comme le pointait le Premier ministre François Bayrou dans une interview lors de son interview du 31 août à la télévision ?

L’épaisseur du trait

Réponse du Conseil d’analyse économique (CAE), dans une note dévoilée le 2 septembre (1) : non. Après s’être penché sur l’ampleur des précédents chocs fiscaux pour les 1 % des revenus du capital les plus élevés (soit 380 000 foyers), l’institution estime qu’une hausse de la fiscalité du capital d’un point entraînerait le départ de 0,003 % à 0,03 % de cette population en un an.

A long terme, 0,02 à 0,23 % de plus s’exileraient. Soit moins de 900 foyers. Même en se focalisant sur le top 0,5 % des revenus du patrimoine, qui dégagent au moins 60 000 euros annuellement, le Conseil ne relève aucune différence de sensibilité.

Un vide…

Ces départs, aussi restreints soient-ils, ne sont pas indolores pour autant. « La population touchée représente 20 % du tissu économique, développe Nicolas Grimpel, économiste au CAE. Le départ d’un actionnaire majoritaire peut avoir un impact important sur les entreprises détenues. »

Les sociétés concernées voient leur chiffre d’affaires baisser immédiatement de 25 %, puis de 15 % dans la durée, concomitamment à une baisse d’un tiers de la valeur ajoutée. Résultat : un quart d’emplois en moins dans le périmètre initialement contrôlé par l’actionnaire.

… En partie comblé

Le tableau final n’est cependant pas si sombre, une fois pris en compte les effets de réallocation ou d’équilibre. Le CAE, en se penchant sur le cas suédois où une étude comparable a été menée, remarque que la majorité des entreprises (60 %) sont rachetées ou réintégrées dans d’autres firmes.

« En Suède, les effets sur la masse salariale sont deux fois plus faibles après réintégration », précise Camille Landais, économiste au CAE. Les externalités négatives sur l’économie régionale sont également négligeables, la part des entreprises concernées qui détiennent plus de 10 % de leur marché local étant inférieure à 5 %.

Rendement rachitique

La plus grosse problématique tient au rendement réel de l’impôt comparativement au rendement annoncé en raison des comportements d’évitement. Le CAE a calculé que pour chaque euro de recette supplémentaire provoqué par une hausse de la fiscalité sur les hauts patrimoines, 20 centimes disparaissent du fait des réponses comportementales dite « à la marge extensive », soit l’exil fiscal, et 54 centimes liés à la « marge intensive », qui tient à l’optimisation et l’évasion fiscales (sans exil). Difficile de savoir si ces pertes sont « provisionnées » lors des annonces fiscales de Bercy.

L’empreinte du patrimoine

A travers cette étude, pour laquelle le CAE s’est autosaisi, l’institution nourrit l’espoir que le débat soit recentré sur les autres réponses que l’exil aux hausses de la fiscalité du patrimoine. Un bémol cependant, l’étude se concentre sur la fiscalité du patrimoine, et non du revenu, pour laquelle les résultats auraient été bien différents.

« Les hauts patrimoines sont peu mobiles par rapport aux hauts revenus, notamment dans les secteurs financiers, par nature plus mobiles, fait remarquer Nicolas Grimpel. Le taux de retour comme les départs nets sont plus faibles. Il existe un gradient avec l’âge, le capital est une empreinte sur le territoire dont on ne se débarrasse pas comme si on était trader ou sportif, consultant, avocat... »