L’ACPR et la cellule de renseignement financier de Bercy ont mis à jour leurs lignes directrices, pour tenir compte des nouveaux risques et du droit souple produit par le superviseur depuis 2018.
La cinquantaine de professions soumise aux obligations de déclaration à Tracfin va devoir redoubler de vigilance. Les lignes directrices conjointes de l’organisme et de l’ACPR, qui n’avaient pas été mises à jour depuis 2018, ont subi un petit lifting.
Elles portent aussi bien sur l’obligation de vigilance sur les opérations que sur l’obligation de déclaration et d’information à Tracfin.
L’actualisation tient compte « des évolutions législatives et réglementaires, de la jurisprudence récente de la Commission des sanctions de l’ACPR, des constats de l’ACPR concernant les dispositifs automatisés de surveillance des opérations et l’utilisation de l’Intelligence artificielle, et enfin de l’émergence de nouveaux risques de BC-FT », détaille le superviseur.
Elle pose notamment une distinction plus claire entre déclaration de soupçon et communication systématique d’information, cette dernière étant obligatoire dans certains cas même sans soupçon. Certaines précisions sont apportées à l’approche par les risques, concernant sa mise en œuvre, l’utilisation des technologies avancées et l’intégration des appels à vigilance de Tracfin.
Le document revient aussi sur l’articulation entre déclaration de soupçon et gel des avoirs, un dispositif massivement utilisé par l’Union européenne contre les oligarques russes depuis le début de la guerre en Ukraine. Il précise notamment que si un client est frappé par ce type de mesure, cela n’impose pas nécessairement de procéder à une déclaration de soupçon, sauf en présence d’une opération qui vise à contourner la mesure.
La mise à jour des lignes directrices concerne toutes les entités qui évoluent dans le champ de l’ACPR, dont les IOBSP, les IAS, les assureurs, les établissements de crédit, de paiement ou de monnaie électronique, les prestataires de services de paiement (PSP), les prestataires de services sur cryptoactifs (PSAN) ou les intermédiaires en financement participatif (IFP).
Les avocats, bien que ne dépendant pas de l’ACPR, font aussi partie des professions tenues aux déclarations de soupçon. Ils jugent aujourd’hui cette obligation trop extensive, au point d’avoir écrit un courrier au garde des Sceaux Gérald Darmanin pour réduire la portée de ce qu’ils considèrent comme une obligation trop extensive.
Le Conseil d’Etat, dans un avis consultatif du 23 janvier 2025, a en effet estimé que l’obligation déclarative porte autant « sur les sommes obtenues par la commission d'une infraction passible d'une peine privative de liberté supérieure à un an, quelle que soit la nature de cette infraction, que sur les opérations portant sur ces sommes ». Pour les robes noires - qui produisent peu de déclarations dans la pratique - cela équivaut à établir un soupçon généralisé.
« La position de Tracfin nous alerte profondément et porte gravement atteinte au principe fondamental du secret professionnel, nous affirmait il y a peu Pierre Hoffman, son bâtonnier. C’est un casus belli pour les avocats, qui ne deviendront jamais les informateurs généraux de Tracfin. »