Fiscalité

Les avocats refusent de dénoncer leurs clients à Tracfin

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Le Conseil confirme une interprétation large de l’obligation de déclaration de soupçon, qui inclue les sommes obtenues en commettant une infraction punie de plus d’un an de prison. Les robes noires opposent le secret professionnel.

 

 

 

 

 

C’est une contrainte bien connue du milieu patrimonial et financier à laquelle les avocats s’opposent aujourd’hui. Le barreau de Paris a écrit un courrier au garde des Sceaux Gérald Darmanin pour réduire la portée de l’obligation de déclaration de soupçon à Tracfin prévu par le Code monétaire et financier, ainsi que l’a révélé La Lettre.

Interprétation large

Tracfin considère en effet que l’obligation déclarative porte aussi bien « sur les sommes obtenues par la commission d'une infraction passible d'une peine privative de liberté supérieure à un an, quelle que soit la nature de cette infraction, que sur les opérations portant sur ces sommes ». Une position rejointe par le Conseil d’Etat dans un avis consultatif du 23 janvier 2025 (1).

Pour le barreau de Paris, le spectre est beaucoup trop large. Il estime quant à lui que les avocats doivent remplir une déclaration de soupçon seulement en cas de suspicion de blanchiment d’argent ou de financement du terrorisme (LCB-FT). A son sens, l’interprétation de Tracfin reviendrait à établir un soupçon généralisé.

Casus belli

Chaque année, les avocats font partie des professions dont Tracfin constate le faible nombre de déclarations de soupçon comparé à d’autres, également assujetties à cette obligation.

Une situation qui ne devrait pas évoluer demain, tant le barreau de Paris semble prêt à une guerre de tranchée : « La position de Tracfin nous alerte profondément et porte gravement atteinte au principe fondamental du secret professionnel. Nous ne l’accepterons jamais, nous confirme Pierre Hoffman, son bâtonnier. C’est un casus belli pour les avocats, qui ne deviendront jamais les informateurs généraux de Tracfin. »

Derniers bastions

Toute la profession ne partage pas cependant cet avis. « Refuser d’évoluer, c’est aussi risquer d’être perçus, à tort ou à raison, comme les derniers bastions d’un monde qui protège encore l’opacité », défend Miguel Mairlot, co-fondateur d’Ethikos, sur Linkedin.

Certains intermédiaires financiers partagent leur ressenti d’une rupture d’égalité, comme Arnaud Abad, agent général chez Generali. « Et au nom de quel droit les avocats ne seraient pas soumis aux mêmes règles que l’ensemble des professions réglementées, banques et assureurs ? », interroge-t-il sur le même réseau.

Ce n’est pas la première fois que les avocats volent au secours du secret professionnel. Ils s’étaient opposés lors du vote de la loi du 22 décembre 2021 pour la Confiance dans l’institution judiciaire à sa division entre secret du conseil - pour lequel il pouvait être écarté - et de la défense. Les robes noires avaient finalement obtenu son unicité à l’issue du parcours législatif.

(1) Avis relatif à la portée de l’obligation de déclaration prévue à l’article L. 561-15 du code monétaire et financier, 05/02/2025