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Abrogation de la réponse Bacquet : un beau cadeau fiscal pour l’assurance vie

En réponse à la question du député Ciot du 21 avril 2015, le ministère des Finances vient de confirmer l’abandon de la « réponse Bacquet ».

Cette réponse Bacquet prévoyait, pour les époux communs en biens, d’incorporer dans la masse successoral du premier défunt la valorisation au jour du décès du (des) contrat(s) non dénoué(s) du survivant. Civilement, et la règle demeure, la valeur de rachat des contrats d'assurance vie souscrits avec des fonds communs et non dénoués lors de la liquidation d'une communauté conjugale fait partie de l'actif de communauté à partager en deux. La réponse ministérielle dite « Bacquet » n° 26231 du 29 juin 2010 en a tiré les conséquences au regard des droits de succession.

Mais après son récent communiqué de presse, le ministère des Finances revient sur cette position car « il est apparu que le strict alignement de la règle fiscale sur la règle civile, sans prise en compte des spécificités juridiques du contrat d'assurance-vie, conduisait à d'importantes difficultés pratiques, notamment en présence d'héritiers autres que le conjoint survivant, lesquels peuvent se retrouver à payer des droits de mutation calculés sur un actif successoral augmenté du fait de l'augmentation, par le jeu des règles civiles, de l'actif de communauté ». L’argument est pertinent puisque les enfants peuvent avoir à supporter des droits de succession alors que les bénéficiaires peuvent être des tiers ; il peut aussi y avoir un décalage entre la valeur de l’assurance vie au jour de la liquidation communautaire et au moment du décès du survivant.

« Pour les successions ouvertes à compter du 1er janvier 2016 », décide Bercy, « afin de garantir la neutralité fiscale pour l'ensemble des héritiers lors du décès du premier époux (...), il est admis qu'au plan fiscal la valeur de rachat d'un contrat d'assurance vie souscrit avec des fonds communs et non dénoué à la date du décès de l'époux bénéficiaire de ce contrat, ne soit pas intégrée à l'actif de la communauté conjugale lors de sa liquidation ». Lors du décès du conjoint survivant, son (ses) assurance(s) vie sera (seront) exonérées sauf application des restrictions prévues aux articles 757 B et 990 I du code général des impôts.

(Réponse publiée au JOAN le : 23/02/2016 page : 1648)

Notre commentaire : On se retrouve donc avec deux appréciations opposées : au plan successoral, conformément à la jurisprudence Praslicka du 31 mars 1992 de la Cour de cassation (n°90-16343), l’assurance vie entre dans la succession du défunt pour moitié et au plan fiscal, elle reste en dehors. Bercy rétablit la divergence effacée par la réponse Bacquet. La « neutralité » n’est donc que partielle. La logique voudrait, sur la base de la jurisprudence des arrêts de la Cour de cassation du 23 novembre 2004 déclarant que l’assurance vie a la nature aléatoire d’un contrat d’assurance, que l’assurance vie n’entre plus du tout dans l’actif successoral ni civilement ni fiscalement. Les notaires pourront eux continuer à calculer leurs émoluments sur tout l’actif à partager y compris les 50 % d’assurance vie du conjoint survivant. Difficile à comprendre pour les clients !

Pour Jean Aulagnier, vice-président de l'Aurep, Doyen honoraire de l'Université d'Auvergne, « Les assurés apprécieront une position qui leur est très favorable. Elle traduit une prise de conscience tardive, encore insuffisante, de leur ras le bol fiscal. Après trois années d’une augmentation constante des prélèvements fiscaux, est venu le temps du changement d’orientation de la politique fiscale. En se rapprochant à grand pas du moment où l’assuré devient électeur, les décisions du gouvernement tentent d’alléger plutôt qu’alourdir les prélèvements ».