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Prélèvements sociaux : encore une décision favorable pour les frontaliers

Les revenus du patrimoine de résidents français affiliés à la Sécurité sociale suisse ne peuvent pas être soumis à des contributions sociales visant à financer des prestations de Sécurité sociale en France. Bercy est encore pris en défaut !

Raymond Dreyer - et son épouse - sont résidents fiscaux français mais affiliés à la Sécurité sociale suisse, celui-ci ayant effectué sa carrière professionnelle en Suisse. En 2016, l’administration fiscale française a assujetti les époux, au titre de revenus du patrimoine perçus en France au cours de 2015, à des prélèvements sociaux.

Considérant que les prélèvements en cause sont des prestations de Sécurité sociale, les époux Dreyer ont contesté, devant la justice française, leur assujettissement à ces prélèvements, estimant qu’étant déjà affiliés au régime de Sécurité sociale suisse, ils n’ont pas à contribuer au financement du régime de sécurité sociale français.

En effet, le règlement de l’Union sur la coordination des systèmes de sécurité sociale prévoit que les personnes auxquelles il est applicable ne sont soumises qu’à la législation d’un seul État membre, la Suisse étant considérée à cet égard comme un État membre.

Saisie du litige opposant les époux Dreyer à l’administration fiscale française, la cour administrative d’appel de Nancy a exprimé des doutes sur la nature des prélèvements. Les magistrats ont donc demandé à la Cour de justice européenne si les prestations visées, à savoir l’Allocation personnalisée d’autonomie (APA) et la Prestation compensatoire du handicap (PCH), peuvent être considérées comme des prestations de Sécurité sociale.

Dans son arrêt, la Cour rappelle qu’une prestation peut être considérée comme une prestation de Sécurité sociale d'une part, si elle est octroyée aux bénéficiaires en dehors de toute appréciation individuelle et discrétionnaire de leurs besoins personnels, sur la base d’une situation légalement définie, et d'autre part, si elle se rapporte à l’un des risques visés par le règlement en cause.

La Cour rappelle également que la prise en compte des ressources du bénéficiaire aux seules fins du calcul du montant effectif des prestations sur la base de critères objectifs et légalement définis n’implique pas une appréciation individuelle des besoins personnels de ce bénéficiaire. Tel est le cas, selon la Cour, de l’APA et de la PCH, étant donné que la prise en compte des ressources du bénéficiaire ne concerne que les modalités de calcul de ces prestations, ces dernières devant être octroyées lorsque le demandeur remplit, indépendamment du niveau de ses ressources, les conditions qui ouvrent le droit aux prestations.

Dans ce contexte, la Cour précise que la nécessité d’évaluer, aux fins de l’octroi de l’APA et de la PCH, le degré de perte d’autonomie ou de handicap du demandeur n’implique pas non plus une appréciation individuelle des besoins personnels de ce demandeur. En effet, l’évaluation de la perte d’autonomie et du handicap est effectuée par un médecin ou un professionnel d’une équipe médico-sociale ou par une équipe pluridisciplinaire au regard de grilles, de listes et de référentiels prédéfinis, c’est à-dire à partir de critères objectifs et légalement définis qui, dès lors qu’ils sont remplis, ouvrent le droit à la prestation correspondante.

L’APA et la PCH sont des « prestations de Sécurité sociale », donc inapplicables aux revenus patrimoniaux du couple. 

(Cour de justice de l’Union européenne, arrêt dans l'affaire C-372/18, ministre des Comptes publics contre M. et Mme Raymond Dreyer, 14 mars 2019)

JDE