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Réforme de l'ISF : un mauvais coup pour les entreprises solidaires

Des associations comme Caritas Habitat (Secours Catholique) ou Finansol s'alarment de la fin du dispositif ISP-PME. Un coup dur pour les Entreprises solidaires d'utilité sociale (ESUS).

Les réductions d'impôts liées à l'investissement des particuliers au capital des entreprises solidaires d'utilité sociale sont vitales, soulignent Caritas Habitat et Finansol, pour que ces acteurs puissent mener à bien leur mission sociale. « Nous demandons au gouvernement que celles-ci puissent être maintenues sur l'IR comme sur l'IFI ; il n'y a aucune raison objective pour traiter à l'avenir différemment le don et l'investissement solidaire qui bénéficiaient du même régime fiscal ».

« La réduction d'impôt de 75 % pour les dons sera maintenue avec l'IFI.  Il est important de continuer à assurer le financement de certaines activités, notamment caritatives a annoncé Bruno Le Maire, ministre des Finances et de l'Economie qui ajoute : « En revanche, la réduction d'ISF en cas d'investissement au capital des PME sera supprimée ».

Problème : en application de l'article 885-0 V bis B du Code général des impôts, les entreprises solidaires d'utilité sociale (agréées ESUS) peuvent aussi faire bénéficier leurs souscripteurs des réductions d'impôt propres à l'investissement au capital des PME.

Les entreprises solidaires d'utilité sociale sont considérées comme des PME au sens communautaire. A ce titre, les souscripteurs particuliers peuvent bénéficier des dispositifs fiscaux propres à l'investissement au capital des PME, à savoir :

- soit le dispositif « Madelin » (article 199 terdecies-0 A du CGI) qui permet de déduire 18 % du montant de la souscription au capital d'une PME de son impôt sur le revenu (plafonnée à 10 000€) ;

- soit le dispositif « ISF-PME » (article 885-0 V bis du CGI) qui permet de déduire 50% du montant de la souscription au capital d'une PME de son impôt de solidarité sur la fortune dans la limite de 45 000 €.

En 2015, le gouvernement a ainsi créé un article 885-0 V bis B au Code général des impôts (commenté au BOI-PAT-ISF-40-45-20160706, 06/07/2016), qui permet aux entreprises solidaires d'utilité sociale exerçant des activités immobilières ou financières de continuer à bénéficier des aides au financement du risque, cela sous certaines conditions (par exemple l'interdiction faites aux foncières du logement très social de verser des dividendes aux actionnaires solidaires).

L'encours de l'épargne collectée par les entreprises solidaires au 31 décembre 2016 atteint 502 M€. Il connaît un taux de croissance de 13 % par an. Cette croissance continue témoigne de la vitalité de l'actionnariat solidaire. La Fondation Abbé Pierre par exemple a décidé, en 2014, de créer Solifap dont l'objectif est de financer des projets de logement très social pour les plus démunis. Le Secours Catholique a rejoint cette initiative avec la foncière Caritas Habitat, en cours d'appel public à l'épargne après agrément AMF, Réseau Cocagne ou encore Emmaüs.

Pour l'année 2016, les acteurs du logement très social ouverts à l'actionnariat solidaire ont construit 400 logements (53,8 M € investis) permettant de loger 5 500 nouveaux bénéficiaires en grande précarité. Pour les activités financières, l'actionnariat solidaire a permis à 466 nouvelles entreprises d'être financées à hauteur 45,5 M€ en 2016 dont 54% ont moins de trois ans. Cela représente 7 700 emplois créés ou consolidés.
Au regard de l'impact social des entreprises solidaires d'utilité sociale, la dépense fiscale liées aux réductions d'impôt IR et ISF-PME reste très modérée pour l'Etat, se situant entre 7 et 10 M€ au plus par an.

Pour pallier la diminution du nombre de redevables à l'ISF et donc des investisseurs solidaires directs en fonds propres, Caritas-Habitat et Finansol proposent en outre que les incitations fiscales dans le cadre de l'actionnariat solidaire puissent sortir du plafonnement global des avantages fiscaux, d'autant plus que la réduction d'impôt sur le revenu liée à l'investissement au capital des PME est limitée initialement dans le texte de loi à 50 000 € pour les célibataires et à 100 000 € pour les couples. Cela représente une dépense fiscale maximum de 9 000 € maximum pour un investissement de 50 000 €.

Caritas Habitat et Finansol appelle donc le gouvernement, au-delà des implications de la suppression de l'ISF, à développer l'actionnariat solidaire et à en faire un mode de financement durable et adapté pour les entreprises solidaires d'utilité sociale.