Face à un contexte économique tendu, les travailleurs non-salariés apparaissent plus vulnérables que jamais. La moitié d’entre eux ne disposent d’aucune couverture de prévoyance, malgré une inquiétude croissante liée à l’interruption de l’activité. Un paradoxe particulièrement présent chez les dirigeants de TPE, parmi les plus exposés.
Le sentiment de précarité s’amplifie chez les travailleurs non-salariés (TNS). La deuxième édition de l’indice de vulnérabilité de Swiss Life France (1) met en évidence une angoisse grandissante face au contexte géopolitique et économique. Sept indépendants sur dix redoutent des répercussions concrètes sur leur activité. La tendance est encore plus marquée chez les dirigeants de TPE, dont huit sur dix craignent pour leur situation.
Pandémie d’inactivité
Difficile de leur donner tort, alors que l’explosion du chômage chez les chefs d’entreprise en 2024, qui avait touché 61 000 d’entre eux, se poursuit en 2025. Au cours des six premiers mois de l’année, 30 000 patrons ont perdu leur emploi, selon les chiffres de l’Observatoire de l’emploi des entrepreneurs. 170 chaque jour, en grande majorité des dirigeants de TPE.
« Le sentiment de vulnérabilité chez les TNS dépasse le simple ressenti personnel : il structure profondément leur rapport au travail, analyse Éléonore Quarré, responsable des études société – pôle opinion chez OpinionWay, qui a réalisé l’étude. Dans un contexte instable, cette insécurité systémique les isole face aux aléas, avec une protection sociale souvent complexe à comprendre et difficile à mobiliser. »
Entrepreneurs conscients
Le constat d’un manque de protection sociale persiste, année après année. Seuls 56 % des sondés déclarent avoir souscrit au moins un contrat. Cette proportion grimpe cependant à 76 % chez les dirigeants de TPE, les plus conscients de leur vulnérabilité. Mais même dans cette sous-catégorie, ils ne sont cependant que 57 % à avoir souscrit un contrat de prévoyance (un indépendant sur trois).
Le constat est encore plus radical pour les contrats temporaires décès, qui ne concernent qu’un dirigeant sur quatre et un indépendant sur six. De même du côté des dispositifs d’épargne salariale ou de retraite supplémentaire via un plan d’épargne collectif, souscrits par 26 % des patrons de TPE.
Ne pas sortir > sortir couvert
La peur de l’arrêt de travail, qui frappe huit indépendants sur dix, est symptomatique de cette dichotomie : la majorité de ceux qui la vivent savent que leur couverture actuelle ne sera pas suffisante pour y faire face.
Plutôt que de revoir leurs garanties, les TNS adaptent leurs comportements quotidiens afin de limiter les risques. La moitié d’entre eux (60 % chez les dirigeants de TPE) évite certaines activités jugées risquées pour prévenir ou limiter les arrêts de travail.
Un seul arrêt, et c’est toute l’activité qui se retrouve en péril. Sept indépendants sur dix affirment d’ailleurs qu’ils ne pourront prendre de congé prolongé à la naissance de leur enfant car cela mettrait en péril leur activité.
Retour d’expérience
« Ce sentiment est également nourri par les expériences qu’ils ont pu avoir lorsqu’ils étaient en arrêt de travail : 61% des dirigeants de TPE et 51 % des indépendants ont déjà été confrontés à des difficultés de prise en charge dans ce cas précis », précise l’étude.
La source du problème réside aussi bien dans la complexité de ces sujets (pour 75 % des indépendants) que dans l’insuffisance des garanties proposées, pointée par neuf TNS sur dix. Les manques concernent aussi bien l’arrêt de travail que l’invalidité (soins médicaux, maintien de la rémunération…) ou le décès (protection des proches, frais d’obsèques…).
« Pour nous assureurs, l’enjeu principal réside en un accompagnement personnalisé pour répondre à leurs besoins spécifiques : l’offre de prévoyance proposée doit être, de facto, réellement modulable », estime Pierre François, directeur général de SwissLife Prévoyance et Santé, dans un communiqué.
(1) Enquête OpinionWay menée auprès d’un échantillon de 870 TNS dont 339 indépendants, 326 dirigeants d’entreprise (de 1 à 9 salariés) et 205 médecins généralistes. La représentativité de l’échantillon a été assurée par un redressement selon le secteur d’activité et la taille d’entreprise. L’échantillon a été interrogé par questionnaire auto-administré en ligne sur système CAWI (Computer Assisted Web Interview) entre le 21 mai et le 5 juin 2025.