Deblock décroche le premier statut de prestataire de services sur cryptoactifs en France. Les acteurs du monde crypto pointent la lenteur du traitement des demandes par le régulateur, qui s’étonne en retour du peu de dossiers déposés. Aucun report d'échéance ne sera possible.
Deblock est officiellement la première entreprise française à obtenir des mains de l’AMF le statut de prestataire de services sur cryptoactifs (PSCA). Il permet à l’entreprise de pouvoir proposer ses services dans toute l’Europe, et celle-ci compte bien en profiter : elle indique partir dès à présent à la conquête du Benelux, de l’Allemagne, du Portugal ou de l’Espagne, « des régions où l’adoption des cryptoactifs est particulièrement dynamique et où la demande pour des solutions de gestion quotidienne simple est en forte croissance ».
Un agrément en six mois
La néobanque fondée par des anciens de Revolut et Ledger mise en effet sur le croisement entre compte courant et portefeuille crypto pour séduire ses utilisateurs. Si Deblock a décroché le premier agrément imposé par le règlement sur les marchés européens de cryptoactifs (MiCA) pour exercer, celui-ci est obligatoire pour les nouveaux entrants depuis début 2025 et le sera bientôt pour tous les acteurs après une date butoir, fixée en France au 30 juin 2026.
Alors que l’échéance se rapproche à pas menus, les acteurs du monde crypto s’interrogent sur les moyens déployés par l’autorité, qui n’a décerné qu’un sésame en six mois, pour traiter les demandes. Certains estiment que le régulateur ne dispose pas d’assez d’effectifs quand d’autres n’hésitent pas à parler d’une attrition volontaire, pointant les liens entre Marie-Anne Barbat-Layani, actuelle présidente de l’AMF, et le lobby bancaire français - dont les membres sont majoritairement hostiles aux entreprises de la sphère cryto - qu’elle a dirigé pendant 5 ans.
Lenteur volontaire
Lors de la présentation de son rapport annuel 2024 le 26 mai, l’autorité soutenait avoir déployé les ressources nécessaires pour traiter les demandes d’agrément. « Lorsque nous avons demandé des moyens supplémentaires au gouvernement l’année dernière, MiCA occupait presque un tiers des demandes de nouveaux postes, affirme Sébastien Raspiller, secrétaire général de l’AMF. C’est plus d’un tiers de ces nouveaux effectifs qui seront affectés à ces sujets en 2025, et il ne s’agit pas de ressources intérimaires. »
L’autorité nationale est pourtant à la traîne derrière d’autres autorités européennes, comme l’Allemagne qui a déjà délivré 9 agréments, Malte, les Pays-Bas, le Luxembourg, l’Autriche, Chypre et l’Espagne. « Nous assumons d’être un régulateur sérieux qui mène des diligences approfondies et qui œuvrons pour la convergence européenne des pratiques en matière d’agrément », répond l’AMF.
Des Etats membres ont en effet fait passer la compétitivité devant la sécurité réglementaire, ayant pour certains accordé des agréments avant même que les standards techniques de l’Autorité européenne des marchés financiers (Esma) ne soient publiés. Certains ont arrêté une période de transition plus courte qu’en France, où elle est de 18 mois, et doivent donc se dépêcher pour tenir les délais.
Pas de report d'échéance
Reste que faire transiter les 109 prestataires de services sur cryptoactifs (Psan) actuels vers le statut de PSCA ne va pas être une sinécure, d’autant plus que les éléments demandés ne sont en rien comparables. Et le secteur ne bénéficiera pas de la même flexibilité qu’avait connu celui du crowdfunding, où le dépassement du délai réglementaire lors du traitement des dossiers de prestataire de services de financement participatif (PSFP) avait amené à décaler l’échéance d’un an.
« La deadline ne pourra pas être reportée », prévient l’AMF, qui veut éviter « une forme de procrastination ». L’autorité déplore le peu de dossiers qui ont été déposés à ce jour et constate un « décalage assez notable » avec ses homologues européens. Elle balaye le chiffre d'une cinquantaine de candidature relayé dans la presse, affirmant que la réalité est « très en deça ».
Pour rassurer les petites entreprises qui ne pensent pas pouvoir franchir la marche réglementaire, elle rappelle que parmi les (quelques) acteurs qui ont bénéficié d’un enregistrement renforcé, on trouve des grands groupes comme des start-ups. Or, l’enregistrement renforcé a été conçu comme un pont vers l’agrément MiCA, les acteurs concernés devant bénéficier d’une procédure allégée (dite de « fast track »).