Marché

[Tribune] L'éducation financière : un enjeu sociétal et stratégique pour la gestion de patrimoine

Gaudin Maxime 3Q HD

L’éducation financière n’est plus une option : c’est un levier clé pour capter et fidéliser une nouvelle génération d’investisseurs patrimoniaux. Les banques et les conseillers doivent intégrer cette exigence dans leur modèle dès maintenant, sous peine de voir leurs clients s’éloigner… vers des acteurs plus pédagogues et innovants.

 

 

 

 

 

Alors que 800 Md€ devraient être transmis en France d’ici 2030, de nombreux Français déclarent ne pas savoir comment gérer un patrimoine financier et ne pas avoir accès à des conseils adaptés. Selon une récente étude de l’OCDE (1), plus des deux tiers des Français pensent que leurs connaissances en matière de finance sont moyennes ou faibles.

Les « affluents » augmentent leur capacité d’investissement

Trop “riches” pour les banques de détail et pas assez pour la gestion privée, la clientèle patrimoniale est historiquement mal-servie par les réseaux bancaires. Pourtant, la capacité d’investissement des clients « Affluents » (dotés d'un patrimoine financier entre 100 et 500 000 €) ne cesse de croître grâce à la digitalisation des parcours et à l’accessibilité des produits financiers.

Au-delà de l’aspect pédagogique et sociétal, l’éducation financière est une formidable opportunité pour capter et fidéliser une clientèle patrimoniale en devenir et un véritable levier stratégique pour réallouer l’épargne financière des Français. Les banques doivent prendre ce virage dès maintenant.

Les principaux défis auxquels sont confrontés les professionnels du secteur en matière d’éducation financière sont de trois ordres :

- Une connaissance très hétérogène de leurs clients (2). Grâce à l’IA et aux informations qui abondent en ligne, les clients peuvent s’auto former et devenir experts sur des sujets précis (enveloppe fiscale, private equity…), bien que ne maîtrisant pas certains principes essentiels. Cette montée en compétence ciblée est susceptible de challenger les conseillers et les banquiers, formés sur une offre globale de produits, un package de solutions

- Une aversion au risque qui freine l’investissement : par méconnaissance des principes de diversification des portefeuilles et de perspectives de placement sur du long terme, beaucoup d’épargnants adoptent une approche trop prudente et investissent parfois sans connaissance de cause. En moyenne, au sein de l’OCDE, seuls 46% des adultes se fixent des objectifs financiers à long terme (3)

- Un turnover élevé des conseillers : le secteur bancaire français affiche un turnover élevé de 22 % qui joue en défaveur de la fidélité des clients (4)

L’éducation financière : un levier stratégique pour la relation client

L’éducation financière doit être au cœur des stratégies des banques patrimoniales. En aidant ses clients à comprendre et à structurer leur patrimoine, elles s’assurent non seulement de leur fidélité, mais aussi de leur engagement sur le long terme. Alors que les interactions omnicanales entre clients et conseillers deviennent la norme, les banques doivent intégrer cette éducation financière dans leur accompagnement :

- Proposer des contenus pédagogiques accessibles via des plateformes digitales, des webinars

- Intégrer des outils interactifs dans les applications mobiles et dans les parcours clients pour rendre l’éducation financière interactive et attrayante

- Y associer un accompagnement humain renforcé, avec des conseillers mieux formés et plus disponibles. Il s’agit d’un levier stratégique pour fidéliser cette nouvelle génération d’investisseurs et sécuriser l'engagement des collaborateurs

L’éducation financière des clients et des conseillers pour un meilleur fléchage de l’épargne

Enfin, l’éducation financière est un prérequis au fléchage de l’épargne privée vers la transition énergétique et de la réindustrialisation. Une meilleure connaissance des produits financiers et de son horizon de placement permet de mieux apprécier l’opportunité d’investir une portion de son épargne dans des supports risqués (UC, actions, private equity, fonds d’infrastructure…). La réglementation, avec la loi Industrie verte, évolue très clairement dans ce sens.

Une réallocation vers des actifs plus risqués a un impact positif sur l’équation économique des distributeurs. Un retour sur investissement (ROI) rapide des initiatives d’éducation financière pour les banques doit permettre de sécuriser leurs financements.

(1) OCDE/INFE 2023 Enquête internationale sur la culture financière des adultes – Décembre 2023

(2) Banque de France, étude sur l’éducation financière des Français

(3) OCDE/INFE 2023 Enquête internationale sur la culture financière des adultes – Décembre 2023

(4) Cadremploi, article en 2022 sur le turnover dans le secteur bancaire