
Trois ans après son lancement, le PEPP n’a pas décollé. Bruxelles engage une cure de choc pour éviter la disparition d’un produit censé incarner l’Union de l’épargne et de l’investissement. Est-il encore temps de sortir le défibrillateur ?
5 000 épargnants et 12 M€ d’actifs sous gestion. Voilà, trois ans après son lancement, le bilan du produit paneuropéen d’épargne retraite individuelle (PEPP) dressé par la Cour des comptes européenne en mai 2025 (1), loin des ambitions initiales de l’Union européenne. Actuellement, seuls deux fournisseurs proposent l’enveloppe : LifeGoals FSL et Finax. En France, impossible de souscrire un PEPP depuis son entrée en vigueur, le 22 mars 2023.
Majority report
Un résultat prédit par les professionnels lors de son lancement : avec un plafond sur les frais de gestion à 1 % faisant fuir les opérateurs potentiels et une complexité de la portabilité entre Etats liée à leur compétence fiscale, le produit était mort-né.
La Commission européenne, dans le cadre d’un train de mesures destinées à développer les régimes de retraite complémentaire, essaye pourtant de réanimer le PEPP dans le cadre de la stratégie pour l’Union de l’épargne et de l’investissement (UEI).
Le bouche-à-bouche se traduit par la révision du règlement (UE) 2019/1238 qui pose son cadre législatif afin de « supprimer les exigences et les caractéristiques de conception » du PEPP, « tout en continuant d’assurer aux consommateurs un haut niveau de protection ».
Deux produits, deux publics
Objectif : mettre deux types de produits sur le marché, chacun ciblant un public et une distribution spécifique.
D’abord, le « PEPP de base », investi à 95 % dans des actifs financiers simples – tels que des actions, des fonds négociés en bourse (FNB) ou des obligations ultérieures – et à 5 % dans des actifs de diversification, comme du non coté. Le produit se veut désintermédié afin de limiter les coûts au maximum, même si le plafond actuel de 1 % doit être supprimé.
C’est l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (Eiopa), qui proposait début septembre de remplacer ce plafond par une évaluation pondérée des coûts en fonction des prestations. Si le rapport qualité-prix (la « Value for money ») n’est pas au rendez-vous, l’Eiopa – qui veut au passage renommer le produit « EuroPension » – aurait le pouvoir d’intervenir de concert avec les régulateurs nationaux.
« Les investisseurs particuliers pourraient enfin avoir accès à un produit de retraite adapté, facile à comprendre et conforme à leurs intérêts à long terme », a approuvé Aleksandra Mączyńska, directrice générale de Better Finance.
Echec annoncé
Pour la France, « la collecte en épargne-retraite complémentaire étant réalisée principalement via les réseaux bancaires et de conseillers, le PEPP de base devrait rester marginal, au moins dans un premier temps », observe Olivier Rull, fondateur de Caravel, une plateforme d’épargne-retraite alignée sur les principes proposés pour cette enveloppe.
Les épargnants pourront également souscrire à des « PEPP sur mesure », avec des garanties et services plus complexes, personnalisables, et donc du conseil. Tous deux pourront être proposés par les sociétés de gestion et les assureurs, mais aussi par les entreprises à leurs salariés. Les fournisseurs pourront choisir de ne proposer qu’un seul des deux produits.
La Commission veut que le traitement fiscal du produit soit comparable à celui des produits d’épargne-retraite individuelle nationaux, sans préciser comment elle entend résoudre le problème de la portabilité entre Etats-membres.
Rien ne dit non plus que des acteurs seront tentés par cette deuxième mouture, d’autant plus dans des pays comme la France qui disposent déjà d’une enveloppe bien installée dans le paysage. « L’adaptation nécessaire niveau produit, juridique et conformité paraît importante par rapport au gain d’épargnants potentiel », fait remarquer Olivier Rull.
Affiliation forcée
Pour développer l’épargne retraite complémentaire, la Commission européenne demande également aux Etats membres de prévoir des mécanismes d’affiliation automatique des salariés… possiblement à un PEPP « si le droit national le permet et dans le plein respect des prérogatives et de l'autonomie des partenaires sociaux ». Les collaborateurs garderaient la possibilité de se retirer après leur « auto-inscription », mais la pratique est assez faible dans les pays l’ayant introduite, comme le Royaume-Uni ou la Nouvelle-Zélande.
La Commission veut par ailleurs refondre la directive sur les institutions de retraite professionnelle (IRP II) pour permettre aux établissements concernés de « fonctionner de manière plus efficiente, à réduire leurs coûts et à diversifier leurs portefeuilles d'investissement, y compris en instruments de fonds propres », notamment en assouplissant le principe de prudence.
La révision de la directive IRP II et du règlement PEPP va être soumise à l’approbation du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne. Les trois instances sont déjà occupées occupées par un autre pan de l’UEI, qui porte sur la révision du Règlement sur la publication d’informations de durabilité dans le secteur des services financiers (SFDR).
Celle-ci vise notamment à refondre les trois articles (6, 8 et 9), aujourd’hui utilisés par les sociétés de gestion pour classifier leurs produits en fonction de leur niveau de durabilité. La stratégie pour les investisseurs particuliers, qui fait également partie de l’UEI, est de son côté en pause après une première phase de trilogue non concluante.
(1) « Rapport spécial 14/2025: Développement des retraites complémentaires dans l’UE – Des actions peu efficaces pour renforcer les régimes de retraite professionnelle et instaurer un produit paneuropéen d’épargne‑retraite individuelle »