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PER mineur : remise en cause par le projet de loi de finances


image PER épargne retraite

Jeu, set, et presque match ! Nous recevons aujourd’hui l’un des spécialistes pour ne pas dire LE spécialiste du Plan Epargne Retraite PER), Benoît BERCHERBU, Directeur de l’ingénierie patrimoniale et fiscale chez Nortia groupe DLPK.

 

 

Benoît, le PLF 2024 est sorti il y a quelques jours, le 27 septembre plus précisément. Votre avis sur cette nouvelle mouture ?

Outre l’actualisation du barème de l’IR pour tenir compte de l’inflation, des dispositions relatives à la transition énergétique, la suppression de 21 dépenses fiscales inefficientes…, nous pouvons retenir à date, 2 points clés qui me paraissent importants :
>la mise en place d’un « Plan d’Epargne Avenir Climat » (PEAC) réservé aux personnes de moins de 21 ans, orienté vers le financement de la transition écologique avec à la clé une exonération d’IR ET des prélèvements sociaux ;
> la suppression pure et simple de la possibilité de souscription de PER par des enfants mineurs et de réaliser tout nouveau versement sur ceux déjà ouverts.

Sur ce dernier point, cette suppression du PER mineur n’était-elle pas un peu prévisible ? 

Au regard du contexte actuel, de la réforme des retraites qui a été adoptée dans la contrainte et la douleur, du timing retenu, ça peut en effet être étonnant pour un dispositif qui a été créé il y a à peine 4 ans par la loi Pacte, où cette interdiction de souscription n’était pas prévue. Là où le bât blesse c’est de l’interdire 4 ans après, une fois que les contrats ont été souscrits ! D’aucuns diront que c’était plié d’avance et que la souscription d’un PER par un mineur était contraire à l’esprit du législateur. Sauf que nous ne devons pas appliquer l’esprit de la loi, mais ce qui est indiqué dans la loi, qui ne limitait pas la souscription du PER avec primes défiscalisées au seul majeur et qu’à aucun moment, dans les débats de la loi Pacte ou dans l’habilitation donné au gouvernement pour légiférer en cette matière, il n’a été question de cette limitation. Il est donc possible aujourd’hui de s’en étonner.

Qu’est-ce qui justifie selon vous se retournement de position ?

Le gouvernement justifie cette mesure pour contrer « les comportements d’optimisation fiscale liés à la déductibilité des versements volontaires de l’assiette de l’impôt sur le revenu » du foyer fiscal, des primes versées par l’enfant mineur sur son PER. Mais aucun chiffre n’est donné pour justifier cette interdiction. Combien de PER mineur ouvert en 4 ans ? Combien de déduction fiscale réalisée et à quel taux ?
En tant que parents, est-il vraiment si indélicat de préparer très tôt la retraite de ses enfants et leur permettre de récupérer les sommes lors de l’acquisition de leur résidence principale ? Cela d’autant que les sommes défiscalisées à l’entrée étant alors refiscalisées à la sortie !

Y avait-il un risque juridique et fiscal à faire souscrire ce type de contrat ?

A mon sens, non car à aucun moment, la loi ou l’esprit de la loi n’a été outrepassé. Cette interdiction n’était pas expressément prévue et à aucun moment, elle n’a été soulevée lors des débats. Preuve en est aujourd’hui, puisqu’il faut un nouveau texte de loi pour prévoir cette interdiction. Si elle était prévue dans l’esprit de la loi au départ, il ne serait pas nécessaire de changer la loi aujourd’hui mais de procéder tout simplement à des redressements fiscaux sur le fondement de l’abus de droit pour fraude à la loi.

 Avez-vous connaissance de contentieux sur ce sujet et/ou de dossiers qui ont été redressés ?

A ce jour, non, aucun. Si certains centres des impôts refusaient la déductibilité des primes de l’assiette fiscale du foyer fiscal, d’autres l’autorisaient parfaitement, conformément à la loi Pacte et à son décret d’application. Mais je n’ai pas connaissance de contentieux à date sur ce sujet.

Et maintenant, est-il toujours possible de faire des versements complémentaires même sans la défiscalisation des primes ?

Non, pas à compter du 1er janvier 2024, le PLF2024 dans sa mouture initiale, interdit à date toutes nouvelles souscriptions d’un PER par un mineur de moins de 18 ans, ET tous nouveaux versements de primes sur les contrats PER Mineur déjà souscrits, même en l’absence de déductibilité des primes, ce qui est étonnant.

 Quel avenir pour ces contrats souscrits à compter du 1er janvier 2024 ?

Attendre leur dénouement pour cause de rachat telle que l’acquisition d’une résidence principale ou départ en retraite.

L’avantage fiscal obtenu lors du versement des primes peut-il être remis en question ?

A mon sens non car la loi ou l’esprit de la loi n’interdisait pas ce type de souscription. On retrouvait d’ailleurs à la fin de certains avis d’IR envoyé par l’administration fiscale elle-même, le disponible retraite… pour l’enfant mineur ! preuve de son éligibilité à ce contrat PER. En cas de redressement initié par l’administration fiscale, le contribuable aura de forts arguments pour démonter l’intérêt patrimonial de cette souscription (acquisition de la RP, financement retraite…) avant l’intérêt fiscal.

Une loi de finance entre habituellement en vigueur le 1er janvier de l’année qui suit son vote de fin d’année, en l’occurrence ici, le 1er janvier 2024. Quid de l’entrée en vigueur de cette interdiction et du devenir des contrats souscrits du 27 septembre au 31 décembre 2023 et des versements complémentaires ?

En matière fiscale, et notamment pour les lois de finances, il existe ce qu’on appelle la petite rétroactivité de la loi fiscale. Il est alors possible au législateur de faire rétroagir certaines dispositions du texte, à la date de la parution du projet de loi. Mais le PLF 2024 ne prévoit une éventuelle rétroactivité de la loi que pour le PEAC et non pour le PER mineur. De sorte que les souscriptions mineurs ainsi que les versements déductibles soient toujours autorisés jusqu’à la fin de l’année, et ce, en application de la loi Pacte et son décret d’application

Benoît, vous avez démontré à plusieurs reprises l'efficacité du PER en souscription miroir afin de protéger le conjoint survivant. Est-ce qu'à ce jour, cette stratégie est également remise en cause par le PLF ?

Non, pour l’heure, celle-ci fonctionne encore. En cas de décès d’un conjoint, le survivant peut débloquer son PER pour cause d’accident de la vie (décès du conjoint) sans reprise de la défiscalisation des primes à l’entrée, sans IR sur les primes et intérêts rachetés et une exonération de PS sur les primes, seuls les intérêts rachetés étant soumis aux prélèvements sociaux.

 

La rédaction