Assurance vie

Assurance vie : « La transférabilité va favoriser les rendements » (Hugo Bompard, Nalo)

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Hugo Bompard, fondateur de la fintech Nalo, est à l'initiative de la lettre ouverte en faveur de la transférabilité de l'assurance vie. Il détaille pour Gestion de fortune ses arguments. 

Pourquoi êtes-vous à l’initiative de cette lettre ouverte ?

Hugo Bompard : Nous nous mobilisons depuis la loi Pacte, et même avant, sur la transférabilité de l’assurance vie. En septembre 2018, deux députés ont défendu un amendement dans ce sens qui a eu un avis défavorable du gouvernement. Puis fin janvier, le Sénat a adopté un amendement en sa faveur. La transférabilité est désormais intégrée dans la loi et c’est aux députés d’en rediscuter, en seconde lecture. Aucun amendement contraire n’a été déposé de la part des députés, mais le gouvernement peut toujours en déposer un à tout moment. Avec cette lettre ouverte, nous avons voulu apporter notre soutien, qui va d’ailleurs dans le même sens que l'association CLCV.

Sur le fond, limiter la transférabilité de l’assurance vie avec la perte de l'antériorité fiscale : n’est-ce pas le principe même de l’assurance vie qui doit permettre aux assureurs d’investir sur le long terme ?

HB : Du point de vue de l’épargnant, un transfert, contrairement à un rachat, continue à s’inscrire dans le long terme. Du point de vue de l’assureur, le transfert ne posera pas de problème. Par exemple, il y a actuellement environ 120 Md€ de prestations versées par an (rachats et décès) et cela ne déstabilise pas pour autant les compagnies au niveau de la gestion de leur actif !

Par ailleurs, concernant le transfert Fourgous (ndlr, qui permet de garder l’antériorité fiscale d’un monosupport à un multisupport), alors que 30% des 1700 Md€ du stock d’assurance vie était  « fourgouseable » en 2016, seulement 5,2 Md€ ont été transférés.

De façon générale, il y a une certaine inertie des clients : la mobilité bancaire n’a pas soulevé les foules, ni non plus la possibilité de résilier son assurance emprunteur… Pour les transferts d’assurance vie, il ne faut pas s’attendre à un raz-de-marée !

Mais cela ne pèsera-t-il pas sur les rendements ?

HB : La perte de performance est un des autres arguments avancés par les compagnies pour réfuter la transférabilité, mais il ne faut pas la craindre. Les assureurs vendront en priorité leurs actifs les moins performants... et ils en ont suffisamment ! Par ailleurs, pour beaucoup, cela se fera sans vendre d’actifs , les versements de nouveaux assurés compensant les départs des anciens assurés.

Je pense au contraire que la transférabilité va œuvrer en faveur des rendements des fonds euros en faisant baisser les frais de gestion : ils s’élèvent en moyenne à 0,75%, soit presque un tiers du rendement brut moyen ! Je ne doute pas que les assureurs négocieront des remises sur les frais pour retenir leurs clients.

En France, d’un point de vue technique, tout est déjà faisable puisque c’est déjà le cas pour les contrats Perp et surtout les contrats Madelin (dont les fonds euros ne sont pas cantonnés).

On évoque l’idée de pouvoir transférer son épargne d’un (vieux) contrat à l’autre (plus récent) au sein d’une même compagnie : qu’en pensez-vous ?

HB : Cela serait un premier pas en avant, mais ça ne résoudrait les problèmes de concurrence dont souffre le secteur.

La transférabilité de l’assurance vie ne va-t-elle pas aussi déstabiliser toute la distribution ? Actuellement c’est en effet le plus souvent le courtier qui a commercialisé en premier l’assurance vie qui en touche les rétrocessions tout au long de la vie du contrat…

HB : Là encore, il faut s’inspirer de ce qui est fait pour le Perp et le Madelin, c’est le nouveau courtier qui récupère les commissions de courtage. Prenons l’exemple du marché de la téléphonie : quand vous n’êtes pas satisfait d’un opérateur, vous pouvez en changer... En assurance vie, les clients ne vont pas disparaître ! Ils iront vers ceux qui leur fournissent un meilleur service, que ce soit pour changer de compagnies ou de distributeurs…

Propos recueillis par Carole Molé-Genlis
@CaroleGenlis